2 août 2012

Les rubis de Joséphine-Charlotte

L'une des premières photos après les fiançailles, pour laquelle Joséphine-Charlotte porte à la fois le bracelet, les boucles d'oreilles et la broche (© D.R.)

A l'occasion de son mariage en 1953 avec le grand-duc héritier Jean de Luxembourg, la princesse Joséphine-Charlotte a reçu de nombreux cadeaux : un diadème de la Société Générale, un bracelet au saphir transformable en diadème offert par l'Association de la Noblesse du Royaume de Belgique, trois rangs de diamants pouvant se porter aussi bien en collier comme en diadème qui sont peut-être un cadeau de son père le roi Léopold III, une paire de pendants d'oreille en diamants achetée grâce à la souscription nationale belge, etc.

Parmi ces cadeaux se trouvaient un set de bijoux en rubis et diamants, composé d'une broche et d'une paire de boucles d'oreilles aux motifs floraux ainsi qu'un bracelet. Christophe Vachaudez, dans son livre "Bijoux des reines et princesses de Belgique" (2004), indique que la broche et les boucles d'oreilles sont un cadeau de son fiancé. Cependant, le catalogue de la vente annulée à Paris en 2006 indiquait qu'il s'agissait de cadeaux du roi Léopold III. L'ensemble des bijoux vient de chez Van Cleef & Arpels, dont le souverain était un fidèle client pour combler sa seconde épouse, la princesse Lilian.


La broche (© D.R.)

Joséphine-Charlotte a porté ces bijoux très souvent au cours des premières années de son mariage. Elle s'en pare d'ailleurs pour les premières photos venant juste après les fiançailles. Cette petite parure en diamants et rubis sera ensuite très vite délaissée au profit de nombreuses autres pierres contenues dans la cassette grand-ducale : émeraudes, saphirs, topazes, améthystes, perles, aigues-marines, turquoises, etc.

En 1953, avec son demi-frère le prince Alexandre, où elle porte les boucles d'oreilles (© J.L./Le Soir)

Très jolie photo où elle porte le bracelet (© D.R.)

En décembre 2006, à l'instar de nombreuses pièces de l'écrin de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte, ces bijoux ont été mis en vente par ses héritiers à Paris chez Sotheby's. A ce moment, la broche était estimée entre 12.000 et 18.000 €, les boucles d'oreilles entre 15.000 et 25.000 € et le bracelet entre 35.000 et 55.000 €. Comme pour la vente de la propriété dans le Grünewald, la vente des bijoux a été critiquée par les Luxembourgeois. Ce mouvement de l'opinion publique a amené à l'annulation des ventes.

(© Laurent D.)

Le Grand-Duc avait même fait publier ce communiqué :

"Deux initiatives de ma part ont suscité une forte incompréhension chez nombre d'entre vous.
Je tiens à préciser d'emblée qu'elles concernent la gestion de nos biens familiaux et personnels. Au moment d'accéder au trône, les règles qui gouvernent notre Maison ont aussi fait de moi le chef de notre famille et de son patrimoine familial dont fait partie notre propriété dans le Grünewald. J'évoque d'abord ce patrimoine familial appelé Fidéicommis : ce dernier m'a été confié par mon père, le grand-duc Jean. J'ai le devoir de le gérer de manière responsable pour le transmettre, le moment venu, à mon fils aîné le grand-duc héritier Guillaume. En tant que chef de famille, j'ai également la mission de veiller à ce que mes frères et sœurs puissent jouir de façon juste et équitable de l'héritage personnel de leurs parents. C'est dans ce contexte, que mon père, mes frères et sœurs et moi-même avons projeté la vente de certains bijoux ayant appartenu à ma chère mère, la grande-duchesse Joséphine-Charlotte. Je me rends compte que j'ai sous-estimé la forte valeur symbolique attachée à ces biens et l'émotion que ces initiatives pouvaient susciter. Quoique relevant de la sphère privée, je réalise qu'elles ont déçu nombre de ceux dont le soutien à notre famille et l'attachement à la Couronne n'ont jamais fait défaut. C'est pourquoi j'ai décidé que l'on procède à l'annulation de la vente aux enchères projetée. De surcroît, je constate un besoin de clarification en matière budgétaire. La Cour ne manquera pas de contribuer à y répondre. J'espère qu'avec cette décision, le pays retrouvera un climat plus serein au regard des problèmes auxquels il est confronté."

Les pièces majeures de l'héritage de Joséphine-Charlotte sont donc en possession de la famille grand-ducale aujourd'hui. Mais, discrètement, des pièces mineures ont été vendues ces dernières années. Ainsi, en janvier 2009, Sotheby's Genève a présenté à la vente le set en diamants et rubis parmi d'autres bijoux n'ayant rien à voir avec la collection de feue la grande-duchesse. La broche, présentée comme la propriété d'un collectionneur européen, a été vendue 14.800 € (estimée entre 11.800 et 18.500 €). Quant à la paire de boucles d'oreilles, estimée entre 15.100 et 21.700 €, elle a été adjugée 22.200 €. Tout comme les boucles, le bracelet était censé être issu de la propriété d'un "gentleman", mais il n'a pas trouvé preneur (estimation entre 36.800 et 50.000 €).

(© Sotheby's)
(© Sotheby's)
Lors d'une nouvelle vente en juin 2009, toujours chez Sotheby's Genève, le bracelet, cette fois-ci vendu comme propriété d'une "lady" tout en mentionnant sa provenance royale, a été adjugé pour 57.870 €, alors que son estimation avait été revue à la baisse (entre 23.400 et 36.800 €).



(© Sotheby's)

Souhaitons que les quelques ventes de bijoux "mineurs" aient permis de contenter les héritiers (ce n'est peut-être pas d'ailleurs la famille grand-ducale qui a mis ces bijoux en vente, mais il pourrait s'agir d'un des enfants ayant hérité de ces bijoux). Et espérons également que les pièces emblématiques de la collection de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte, celles offertes par la Belgique ou héritées de la famille royale belge, seront à l'avenir sauvegardées voire même intégrées au Fidéocommis. Ainsi, la future grande-duchesse Stéphanie pourra un jour s'en parer, ce qui serait un joli symbole.

7 commentaires:

  1. Article intéressant. Tu as raison de souligner que le grand-duc Henri a peut-être pris les pièces les plus importantes et réparti les autres entre ses frères et soeurs (et que l'un d'entre eux ait vendu sa part de bijoux). J'aimerais beaucoup savoir ce que sont devenus deux bijoux de la famille royale belge : le collier de chien en perles de la reine Elisabeth et les boucles d'oreilles de la reine Astrid. La grande-duchesse Joséphine-Charlotte étant malade deux ans avant sa mort, elle aurait peut-être dû donner ces "bijoux belges" à sa belle-soeur la reine Paola? Ou le roi Albert II aurait pu proposer à ses neveux et nièces de les racheter? Dommage...

    Par ailleurs, une phrase du grand-duc Henri sur la transparence financière a attiré mon attention. Qu'est-ce que la Cour grand-ducale a donné comme informations financières après ce communiqué de 2006?

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  2. 1° Pour le sort des boucles d'oreilles de la reine Astrid en émeraude, faisaient-elles d'ailleurs partie de la vente aux enchères annulée ? Je n'ai en tout cas jamais lu cela et elles ne se trouvent pas sur les photos que j'ai pu voir des différents lots. Lors des grandes réceptions, il arrive souvent que Maria-Teresa choississe des bijoux en émeraude (diadème-collier "perroquet", diadème Chaumet avec une émeraude, bracelet réalisé avec d'anciennes pierres, collier-bracelet de la reine Astrid et une broche qui peut être montée sur un collier) avec souvent une paire de boucles qui semble de facture plus moderne mais qui appartenaient déjà sa belle-mère. Mais il semble que Maria-Teresa a porté les boucles de la reine Astrid en 2011 lors de la visite d'Etat en Norvège à l'occasion de la réception offerte par les souverains norvégiens. J'ai également pu lire qu'elle portait ces boucles lors d'une soirée pour les 70 ans du roi Harald V en 2007.

    2° Concernant le collier de chien en perle provenant de la reine Elisabeth (il a appartenu à la dernière reine de Naples), il est difficile de dire qui est en sa possession. Je ne me souviens pas avoir vu Joséphine-Charlotte le porter. J'ai une photo de Maria-Teresa portant un collier qui pourrait correspondre. Je ne sais pas de quelle occasion il s'agit, mais je crois que c'est avant 2005. En 2011, la princesse Sybilla est apparue à une événement au château de Vianden avec un collier de chien qui pourrait également être celui-là.

    3° Il existe aussi un bijou provenant de la famille royale qu'on a plus revu depuis longtemps. Il s'agit d'une broche représentant une libbelule, réalisée avec des diamants, des émeraudes, des rubis et des perles. C'est la comtesse de Flandre qui l'a offert en 1903 à la future reine Elisabeth à l'occasion du baptême du prince Charles. C'est Marie-José qui en a ensuite hérité, avant qu'elle ne l'offre à Joséphine-Charlotte en 1985. Je ne crois pas que Joséphine-Charlotte ou un autre membre de la famille grand-ducale a porté un jour cette broche.

    4° Peut-être que les bijoux "belges" auraient pu revenir en Belgique selon les volontés de Joséphine-Charlotte. Mais cela aurait bien été la première fois qu'un tel retour ait lieu. Les collections de bijoux se forment justement au gré des diverses successions, cadeaux, etc. Et la grande-duchesse n'imaginait surement pas que nombre de ses bijoux auraient été mis en vente à son décès. Il est certain que le roi Albert II aurait eu les moyens de racheter certaines pièces, s'il en avait exprimer l'envie... Ce qui est important aujourd'hui c'est que ces bijoux puissent entrer dans le Fidéocommis, ils échapperaient de cette manière aux prochaines sucessions. Au sinon, avec cinq enfants, un même scénario risque de se produire au décès de la grande-duchesse Maria-Teresa (ce qui n'est pas vraiment pour tout de suite, je l'accorde). Malheureusement, il est encore aujourd'hui impossible de savoir que contient exactement le Fidéicommis.

    5° Difficile de répondre à la dernière question. La presse traite assez peu de leur vie privée et des finances. Je crois qu'en 2006, l'affaire des bijoux et de la forêt de Grünewald (une partie appartient à la famille grand-ducale et une autre à l'Etat), a surement débouché sur des interrogations au niveau financier et patrimonial, sans doute similaire aux questions souvent rassassées dans la presse belge concernant la famille royale. Sans trop m'avancer, je doute que des pas vers plus de transparence ont été effecués... Mais quelqu'un de plus informé, Luxembourgeois de surcroît, pourra peut-être venir enrichir la discussion ?

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  3. Merci Valentin pour ta réponse et tes photos envoyées par mail. Je me réjouis que le collier de chien de la reine Elisabeth et les boucles d'oreilles de la reine Astrid n'aient pas été vendus. Un peu de transparence de la famille royale belge et de la famille grand-ducale luxembourgeoise au sujet de leurs bijoux ne ferait pas de tort, et permettrait de couper court à certaines rumeurs.

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  4. Le rubis n'est pas ma pierre de couleur préférée,mais j'aime bien les boucles
    d'oreilles.Pour l'histoire de la succession concernant les bijoux privés,je trouve plus normal que ce soit les filles qui en héritent (comme je le pense pour les familles "ordinaires") plutôt que les garçons qui,eux,ne peuvent pas les porter et qui ,par voie de conséquence sont portés par les"pièces rapportées".

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  5. Petit Belge,je pense que la transparence des bijoux belges sera vite faite car il y en a peu.

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  6. Réponse à Bernadette : je ne suis pas d'accord avec vous, et pour moi, le système néerlandais est le meilleur. La Collection Royale Néerlandaise est mise à la disposition de la reine Béatrix, mais aussi de ses belles-filles, de ses soeurs, de ses nièces et des épouses de ses neveux. Aucun diadème n'est attribué spécifiquement à une personne. Cela permet à tout les membres de la famille royale néerlandaise de profiter de ce fabuleux écrin qui n'a pas été partagé lors des successions.

    En ce qui concerne la famille royale belge, il y a peu de bijoux mais il n'existe pas de transparence. L'historien Christophe Vachaudez a réalisé un ouvrage de référence sur les bijoux royaux en 2004 et a, à ce titre, fait des recherches dans les archives royales, mais malgré ce long et sérieux travail d'investigation, il n'a pas eu les réponses à toutes ses questions. Impossible de savoir, par exemple, comment a été divisé l'écrin de la reine Elisabeth décédée en 1965...

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  7. Superbe deuxième cliché.
    Ce serait intéressant d’avoir la datation.
    Manifestement Joséphine-Charlotte ne tient pas même voir cet individu.

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