Le château de Losange est situé dans la localité de
Villers-la-Bonne-Eau, section de la ville de Bastogne, dans la province belge
du Luxembourg. L’édifice actuel a été
jadis bâti autour des dépendances de l’ancien château, dont les fondations ont
été retrouvées en 1941 dans l’étang du domaine.
(© Patricia Matthieu de Wynendaele) |
On repère en 1420 un dénommé Nicolas de Losange. Les traces
réapparaissent ensuite sous le nom de Hartard de Vaulx. Ce personnage édifie
très certainement le château en 1597 à l’emplacement de l’étang actuel. François
de Vaulx, prévôt de Bastogne (fils ou frère d’Hartard) achète les droits seigneuriaux
à Losange en 1628. La seigneurie se compose alors des hameaux de Lutrebois,
Watungen, Harlingen, Boulaide et Livarchamps.
La construction du château à son emplacement actuel,
progressivement agrandi et aménagé, est due probablement à Herman de Trappé. Il
est le fils d’Herman-François de Trappé (1632-1706), seigneur de Losange, fait
chevalier par l’empereur Léopold Ier en 1663, et de Marie de Fabry. Son père
renonce à la seigneurie de Losange à son profit en 1702. Il épouse en 1707 Anne-Marie
de Cicignon, la fille du seigneur de Wampach, et décède en 1747.
C’est la fille d’Herman, Marie-Charlotte de Trappé qui
hérite du domaine. Elle est l’épouse d’Albert-Louis de Monflin, seigneur de
Bondorff, Bilsdorff et Arsdorff. Le couple aura trois enfants : deux fils,
morts célibataires, et une fille, Marie-Charlotte de Monflin, à qui est légué
Losange, le château, les près, terres et bois. Marie-Charlotte épouse un
Trappé, cousin germain de sa mère : Edmond-Herman de Trappé, seigneur de
Boulaide, Chacoux, Schouwinckel, chambellan du prince-évêque de Liège et fils
du bourgmestre de Liège, Nicolas-Dieudonné de Trappé.
(© Patricia Matthieu de Wynendaele) |
Le château passe alors au fils d’Edmond-Herman et de
Marie-Charlotte : Jean-Herman, un poète. Il a été fait baron en 1789 et a
été nommé en 1816 au Corps équestre du Luxembourg (assemblée des provinces du
Royaume des Pays-Bas où siègent les nobles). Une rue du quartier
Saint-Christophe de Liège porte d’ailleurs aujourd’hui son nom. Il avait épousé
Elisabeth Colette, décédée en 1821 sans lui avoir donné d’enfant. Après son
décès en 1832, le château passe alors à sa sœur, Marie-Charlotte de Trappé.
Cette dernière est l’épouse, depuis 1777, du baron Lambert-Armand van den Steen
de Jehay, échevin de la Souveraine Justice de Liège. Lors de l’invasion
française, la famille a dû quitter la région et n'est revenue qu’en 1801.
Marie-Charlotte meut à Jehay en 1808 et son château passe à son fils survivant,
Charles, en 1832.
Licencié en droit, le baron Charles van den Steen est
auditeur au Conseil d’Etat sous l’Empire. Il deviendra également sénateur de
Waremme, gouverneur de la province de Liège et envoyé extraordinaire et
ministre plénipotentiaire près du Saint-Siège, où il décède en fonction en
1846. Il avait épousé Charlotte de Grumsel d’Emale en 1811. Veuve, elle obtient
du roi Léopold Ier la concession du titre de comte pour sa famille,
transmissible à la descendance masculine.
Peinture de Louis De Martelaere (1819-1864) |
C’est le deuxième enfant de Charles et Charlotte qui
hérite : le comte Louis van den Steen de Jehay, député de Huy. Il épouse
en 1859 la comtesse Alix de Gourcy-Serainchamps qui décède 20 jours après le
mariage, en voyage de noces. Le comte ne se remariera jamais. A sa mort, le
château demeure en indivision face aux différents ayant droits : les
comtes Armand, Léopold, Xavier, Victor et les comtesses Charlotte et Eleonore
van den Steen de Jehay, ses frères et sœurs.
En 1879, les héritiers décident de louer le château à Lionel
Donner, un officier de cavalerie, époux de Marie Charmet. Des treize enfants du
couple, plusieurs naissent à Losange. Le bail prend fin en 1888 et est
renouvelé par Emile van Hoorde, avocat près la Cour d’appel de Bruxelles
et député de Bastogne. A partir de 1894, le château reste inoccupé, et ce
jusqu’au 3 mars 1891, où les héritiers parviennent à régler l’indivision.
C’est le comte Frédéric van den Steen de Jehay, neveu du
comte Louis et fils du comte Victor, qui reprend la demeure. Surnommé Fritz, il
est diplomate. De 1903 à 1910, 83 bénédictines de l’abbaye de Jouarre trouvent
refuge au château. A cette époque, la France menait une politique assez
inhospitalière à l’encontre d’associations, et particulièrement concernant les
congrégations religieuses. Un cloître en bois fut même construit, reliant le
château aux dépendances. Plusieurs bénédictines décèderont au château et seront
inhumées à Villers-la-Bonne-Eau.
A partir de 1910, le comte Fritz utilise le château comme
résidence d’été. Epoux, depuis 1902, de la baronne Henriette Snoy, fille du
baron Georges Snoy et de la comtesse Alix du Chastel de la Howarderie, il est
nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Belgique à
Luxembourg. Dès 1912, il charge l’architecte Pauwels d’harmoniser la façade de
la demeure et de moderniser l’intérieur. Les travaux seront stoppés durant la
Première Guerre Mondiale et s’achèveront finalement en 1920. Une chapelle fut même érigée,
dont les vitraux évoquent les armes des familles van den Steen-Trappé et van
den Steen-Snoy. Dans les années 1930, la terrasse donnant sur l’étang est
aménagée et l’intérieur subit de nombreuses transformations.
Le comte Fritz décède le 7 octobre 1918 suite à une chute de
cheval à Vinkem. Sa veuve, née Snoy, conservera l’usufruit de la demeure
jusqu’à son décès en 1957 à Bruxelles. Elle fut la dame d’honneur de la reine
Elisabeth. Des relations étroites se nouèrent d'ailleurs entre elle et la famille royale belge. A diverses reprises, des membres de la famille royale ont fréquenté Losange : le duc de Brabant, futur Léopold III, en 1926, le prince Léopold, la princesse
Astrid et la princesse Marie-José en 1928, sans oublier les fiançailles de la
princesse Marie-José et du prince Umberto de Savoie en 1929.
Le prince Léopold, duc de Brabant, en 1926 |
Le roi Albert Ier et sa fille la princesse Marie-Josée au moment de ses fiançailles en septembre 1929 |
La princesse Marie-José, le duc et la duchesse de Brabant et la comtesse Frédéric van den Steen de Jehay en 1928 |
Le château, ainsi qu’une partie du mobilier, a connu de
graves dommages durant l’hiver 1944-1945, à l’occasion de l’offensive von
Rundstedt dans les Ardennes. Après la guerre, la comtesse Frédéric se chargea
de la restauration de la demeure.
En 1958, le château est mis en vente par une compagnie
immobilière qui l’avait acquis aux van den Steen de Jehay. Suzanna van Outryve d'Ydewalle, veuve du baron Charles d'Udekem d'Acoz, achète alors cette propriété de 300 hectares, estimée aujourd'hui à près de 800.000 euros. Cet achat, c'est un cadeau pour l'un de ses fils, Patric
d’Udekem d’Acoz, âgé alors de 22 ans. Il sera le
dernier bourgmestre de Villers-la-Bonne-Eau, conseiller communal de Bastogne,
conseiller provincial de la province du Luxembourg, juge consulaire au tribunal
de Neufchâteau et exploitant forestier. Il s’installe tout d’abord dans les
dépendances datant de 1850.
C’est à partir de son mariage en 1971 avec la comtesse Anne
Komorowska, d’origine polonaise, que la restauration du château débute. Celui-ci
était inoccupé depuis 1957. Le couple donnera naissance à cinq enfants :
Mathilde en 1973, Marie-Alix en 1974,
Elisabeth en 1977 (épouse du marquis de Pallavicini),
Hélène en 1979 (épouse du baron Nicolas Janssen) et Charles-Henri en 1985. Le père de la future reine Mathilde en est devenu pleinement propriétaire au décès de sa mère, en 1983. Sa belle-mère, la princesse Saphiesa-Kodenska, habitait également au château. Elle est décédée en 1997 au volant de sa voiture avec sa petite-fille, Marie-Alix.
Le comte et la comtesse Patrick d'Udekem d'Acoz en 1999 (© Patricia Matthieu de Wynendaele) |
La future princesse Mathilde à Losange |
Mathilde, née le 20 janvier 1973 à Uccle, passera toute sa
jeunesse dans le château ardennais. Elle ne sortira de l’anonymat qu’en 1999 à
l’annonce de ses fiançailles avec le prince héritier Philippe de Belgique, duc
de Brabant. Les journalistes prendront alors d’assaut la demeure familiale des
d’Udekem d’Acoz. Le roi des Belges, Albert II, élèvera alors Patrick
d'Udekem d'Acoz au rang de comte, ainsi que ses frères, Henri et Raoul.
La comtesse Patrick d’Udekem d’Acoz est veuve depuis 2008. Le
domaine est gardé et il peut se voir depuis la route. Il n'est pas rare que Philippe et Mathilde, désormais le nouveau couple royal, avec leurs enfants, s'y rendent pour des dîners familiaux ou pour y passer le week-end.
Merci Valentin pour ce merveilleux article,vous savez que j'aime beaucoup les chateaux et leur histoire.
RépondreSupprimerEt puis,je suis une grande fan de Mathilde,je la trouve une jeune femme parfaite pour son role de future reine!
A plus!
Quelle bonne idée Valentin de retracer les six siècles d'Histoire de cette demeure au destin si méandrique !
RépondreSupprimerLosange est un excellent exemple d'architecture efficace qui s'intègre adéquatement dans ce cadre si vert et si ardennais.
J'aime beaucoup la toile de De Martelaere et je suis ravi de découvrir la photographie inédite du Duc de Brabant en 1926.
Merci de nous offrir cet excellent et intelligent reportage.
Amicalement,
Damien
Un beau terrain de jeu pour Elisabeth, Gabriel, Emmanuel, Eléonore et leurs cousins... Ajoutons que c'est au château qu'ont eu lieu le repas de noces des deux soeurs de la princesse Mathilde.
RépondreSupprimerAu moment du décès du comte Patrick en 2008, la presse avait dit qu'il avait été inhumé dans un caveau d'attente et qu'on allait construire un mausolée et faire revenir le cerceuil de Marie-Alix qui se trouvait à Poperinge. As-tu des infos à ce sujet?
Petit Belge,
RépondreSupprimerLa presse avait évoqué cette information. Je ne sais pas si le caveau a déjà était construit et si donc le comte et sa fille y reposent.
Le tout est réalisé
SupprimerUne bien belle demeure. Mathilde doit etre heureuse d'y retourner avec ses enfants.
RépondreSupprimerExcellent commentaire historique, parfait, clair et rigoureux. Je me demande comment vous avez eu accès à ce tableau de Martelaer qui est pourtant bien caché depuis longtemps, avec les autres tableaux de châteaux des vdS. Félicitation! Du beau travail comme on en voudrait plus souvent. Continuez, on en redemande.
RépondreSupprimerCYO
Magnifique château. Il ne lui manque qu'un régisseur professionnel !
RépondreSupprimerAyant trouvé votre article très intéressant je me suis permise de renvoyer mes lecteurs sur votre blog.
RépondreSupprimerFranchement bien fait.
Bonne journée
Merci pour ce travail d'histoire de notre pays. Une précision : la Comtesse Sophia Komorowska (née Princesse Sophia Sapieha), a demeuré avec son époux, non pas au château, mais dans une maison de campagne du village d'Honville à quelques kilomètres de Losange jusqu'en 1997.
RépondreSupprimerAnecdote intéressante : Patrick a décidé de faire construire le fameux dancing "Los Angeles" , à 3 kms du château, en 1962. Il a fait le bonheur de centaines de jeunes "yéyés" de toute la province de Luxembourg jusqu'en 1970. Il y a invité des groupes célèbres comme les "Surfs, The Spotnicks, et des chanteurs comme Adamo en 1963 ainsi que Dick Rivers et beaucoup d'autres.....Les gens de ma génération étions accros de cet endroit très branché.
RépondreSupprimerMoi aussi j'avais beaucoup de bonheur d'être en soirée au Los ' comme on disait !' J'ai effectivement vécu les spectacles d'Adamo , Robert Cogoi , Dick Rivers mais aussi Stéphane Steeman ( l'humoriste belge)
SupprimerMais je suis triste de pas devant ce Los bien délabré
Bonjour,
RépondreSupprimerJe viens de prendre connaissance de votre très intéressant blog. Cependant, dans votre article du 9 septembre 2011 concernant le château de Losange, ne faites-vous pas une erreur en certifiant, ou du moins en laissant plus que sous entendre, que la veuve de Charles d'Udekem d'Acoz acheta le domaine en 1958 alors que ce dernier est « seulement » mort en 1968 ?
n'y aurait-il pas ereur de date? la chronologie est étrange. "En 1879, les héritiers décident de louer le château à Lionel Donner, un officier de cavalerie, époux de Marie Charmet. Des treize enfants du couple, plusieurs naissent à Losange. Le bail prend fin en 1888 et est renouvelé par Emile van Hoorde, avocat près la Cour d’appel de Bruxelles et député de Bastogne. A partir de 1894, le château reste inoccupé, et ce jusqu’au 3 mars 1891, où les héritiers parviennent à régler l’indivision."
RépondreSupprimerN'est-ce pas en 1901?