31 janvier 2012

Le prince Louis-Philippe de Belgique

Le prince Louis, Philippe, Léopold, Victor, Ernest est né le 24 juillet 1833 à 4h30 du matin au château de Laeken. Il s'agit du premier enfant pour le tout frais roi des Belges, Léopold Ier, et son épouse, née princesse Louise-Marie d'Orléans. Ils s'étaient unis le 9 août 1832 à Compiègne, dans l'un des châteaux de Louis-Philippe Ier, roi des Français, beau-père du souverain belge. C'est en hommage à son grand-père maternel, qui est également son parrain, que ses deux premiers prénoms lui ont été donnés. Sa grand-mère, la reine Marie-Amélie, est présente lors de l'accouchement ainsi que ses filles, Marie et Clémentine.

Naissance du prince

Par son père, il reçoit automatiquement les titres de prince de Saxe-Cobourg-Gotha et de duc en Saxe, avec prédicat d'altesse royale. A l'époque, la récente dynastie belge ne possède pas ses propres titres de prince ou princesse de Belgique (il faudra attendre 1891), mais on prête au prince le titre de prince royal de Belgique en tant qu'héritier au trône.

Cette naissance est annoncée au peuple bruxellois par les tirs de 101 coups de canon. Cette nouvelle est d'autant mieux accueillie qu'elle dote le jeune royaume d'une perspective d'avenir et de pérennité via cet héritier au trône. Le journal L’Indépendant parle de l'événement en ces termes : "Un des faits les plus importants de notre régénération politique vient de s'accomplir... Il consolide à jamais notre liberté et notre indépendance et détruit en un seul jour les espérances funestes de nos ennemis. Ce jour sera marqué dans les fastes de la Belgique comme un jour de bonheur public." Le soir même de la naissance du prince, les rues de la capitale sont illuminées et durant toute la nuit d'épisodiques détonations d'armes à feu se font entendre. Le "Politique" évoque un "élan spontané et unanime de la joie publique".

Allégorie de la naissance du prince royal.
La Belgique, sur un trône orné de drapeaux, présente le prince au peuple et à l'armée (à gauche). L'Abondance et la Paix président à la naissance tandis que le Commerce, l'Agriculture et les Sciences entourent le trône. La Fécondité, elle, montre le nouveau-né à de jeunes enfants.
Le baptême se déroule le 8 août 1833 en la collégiale des Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles et est célébré par l'archevêque de Malines, Monseigneur Sterckx. Il s'agit très certainement de la première grande cérémonie liée à l'histoire royale de Belgique qui se déroule dans cet édifice religieux qui obtiendra le statut de cathédrale en 1962. La cérémonie est annoncée, comme la naissance, par 101 coups de canon. Le parrain de l'enfant, le roi des Français, n'a pas fait le déplacement et est représenté par son fils aîné, le prince Ferdinand-Philippe, duc d'Orléans, qui porte le prince royal sur les fonds baptismaux. La marraine, la reine Marie-Amélie, est, elle, bien là. On note également la présence du prince Louis, duc de Nemours, qui avait été brièvement élu Roi des Belges en 1831 (offre qu'avait décliné son père) et qui épousera plus tard, en 1840, la princesse Victoire de Saxe-Cobourg-Kohary, la nièce du roi Léopold Ier. Outre la famille, l'assistance est composée des membres du Sénat et de la Chambre des Représentations, de représentants du corps judiciaire, de députations de l'armée et de représentants du corps diplomatique (qui ne se compose à l'époque que du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis). La cérémonie du baptême est suivie par un Te Deum.

Après la cérémonie religieuse, les invités se rendent dans le Parc Royal où le roi leur offre un banquet. Deux rangs de tables ont, en effet, été installés dans l'allée en face du Palais royal. Le public, lui, peut circuler dans le parc, autour des nombreux invités. Le soir, une autre cérémonie est prévue, réservée aux officiers. Il s'agit toujours d'un banquet offert par le souverain mais qui se déroule cette fois-ci au Palais.

Cortège du baptême

Baptême
Baptême


Le petit prince, surnommé "Babochon", fait la joie de ses parents. La reine lui porte beaucoup d'attention et veut le protéger un maximum, à une époque où il n'est pas rare que la nature emporte des nouveaux-nés. Dans une lettre datée du 25 octobre 1833 à Madame de Stassart, sa dame d'honneur, Louise-Marie impose ses conditions : "Mon désir spécial est que parmi les personnes que vous conduirez chez le Petit et auxquelles vous permettrez de le voir il n'y ait aucun enfant. Je désire en plus que personne ne le touche, ne l'embrasse ou ne le porte."

Le roi de son côté n'hésite pas à remettre en question les capacités des gouvernantes attribuées au prince héritier. Dans une lettre datée du 21 décembre 1833, le roi écrit à sa belle-mère, la reine Marie-Amélie que : "Les nourrices sont une peste et Mad. Dittz en est la digne représentante. Nos médecins ne m'inspirent pas trop de confiance, mais Miss Lumley marche très bien à présent." L'enfant est en effet confié à une gouvernante anglaise, mais également à une sous-gouvernante allemande, tandis que le personnel, lui, est belge. Cette ambiance cosmopolite n'est pas la plus prompte à une parfaite compréhension de chacun, de plus on évoque la possibilité de tous à vouloir obtenir la priorité sur l'enfant royal...

Buste en marbre représentant le prince, tête tournée
vers la droite, coiffé d'un bonnet de dentelles,
réalisé par Guillaume Geefs en 1835.
Âgé de 5 mois, à la fin du mois de décembre 1833, Louis-Philippe est laissé aux soins des nourrices alors que ses parents partent en voyage à Paris. A leur retour, Léopold Ier et Louise-Marie découvrent leur fis affaibli, et ne se nourrissant même plus. Les gouvernantes sont alors licenciées sur le champ. Peu à peu, la santé du prince s'améliore au prix de divers traitements : inhalations, sangsues, sirop d'Ipécacuanha, etc. Malheureusement, sa santé se dégrade de nouveau subitement. Le souverain en appelle aux meilleurs médecins belges et anglais pour être au chevet de son héritier.

Le roi des Belges écrit ceci le 13mai 1834 à Charles Le Hon, son ambassadeur dans la capitale parisienne : "Depuis des mois notre pauvre enfant est bien dangereusement malade, et cela m'ôte souvent toute disposition aux affaires. Le docteur Clarck, dans lequel j'ai la plus grande confiance, a bien voulu quitter sa nombreuse clientèle et venir ici, mais il trouvait l'enfant si réduit, si faible qu'il est impossible de répondre de l'avenir. Ce qu'il y a de plus triste, c'est que l'enfant était si fort et si beau et s'il eût appartenu a quelque paysanne, il serait probablement frais et dispos, maintenant à force de timidité et d'improvisation, on avait permis à un état inflammatoire des membranes muqueuses à s'établir." Trois jours après l'envoi de cette lettre, le prince Louis-Philippe, fiévreux, s'éteint dans les bras de sa mère, le 16 mai 1834 vers 22h30, au château de Laeken. Il aura donc succombé à son infection des muqueuses.

Les parents sont anéantis. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Léopold perd un enfant. Déjà lors de son précédent mariage avec la princesse Charlotte de Grande-Bretagne, héritière au trône britannique, il avait été confronté le 5 novembre 1817 à la naissance d'un fils mort-né. Si cela ne devait pas suffire, son épouse était décédée le lendemain de l'accouchement qui avait été particulièrement éprouvant. Le décès du prince royal ne pouvait que faire ressurgir ces funestes souvenirs. Dans les deux de cas, de surcroit, il avait failli à sa tâche : il n'avait pas été en mesure de donner un héritier au trône. Le roi reconnaît lui-même dans sa correspondance que son épouse supporte mieux l’événement que lui. Voici ce qu'écrit la reine Louise-Marie, le 29 mai 1834, au secrétarire de son père, M. Trognon : "La certitude du bonheur de mon pauvre enfant a ôté toute amertume à mes larmes. C'est maintenant un petit ange qui veille sur nous du haut des cieux et je ne saurais le plaindre d'avoir évité toutes les peines et les angoisses, inséparables de cette vie, triste, même pour les plus heureux."



Portrait mortuaire du prince, dessin réalisé par Jean-Baptiste Madou


Les funérailles du prince royal se déroulent le 24 mai en la collégiale des Saints-Michel-et-Gudule, où il avait été baptisé il y avait un peu moins d'un an. Son corps a été placé dans un cercueil doublé de velours blanc. Il est ensuite inhumé dans le caveau des anciens ducs de Brabant, situé sous le chœur de l'édifice religieux. Il y reposait donc à côté de Jean II et du duc Antoine (fils de Philippe le Bon). A l'époque, la crypte royale, construite plus tard à l'initiative de Léopold Ier en l'église Notre-Dame de Laeken, n'existait pas encore.

Suite au décès du prince héritier, l'avenir de la Belgique est hypothéqué. Mais le ciel s'éclaircit de nouveau lorsque la reine Louise-Marie met au monde l'année suivant un autre héritier, le prince Léopold (futur Léopold II). Un autre garçon verra même le jour en en 1837 : le prince Philippe (père du roi Albert Ier), permettant d'assurer la pérennité dynastique. Une fille, Charlotte, complétera ce tableau familial, même si les femmes ne peuvent prétendre à la couronne. A l'occasion de travaux de réfections en la cathédrale de Bruxelles, on redécouvre le cercueil du prince dans le caveau des ducs de Brabant. Selon la volonté du souverain de l'époque, le roi Baudouin, le corps sera discrètement transféré en février 1993 en la crypte royale, en présence de 3 ou 4 personnes. 


Tombeau du prince Louis-Philippe en la crypte royale de l'église Notre-Dame de Laeken.
Le prince n'a jamais possédé le titre de duc de Brabant, celui-ci n'a été attribué pour la première fois qu'en 1840 au prince Léopold (futur Léopold II). Certes, on ne refait pas l'histoire, mais si le prince avait survécu, ce titre lui aurait été donné. C'est donc certainement la raison de l'inscription de ce titre lors de son transfert en 1993 (ou alors il s'agit d'une erreur).
Dans la crypte, le tombeau du prince se situe dans un emplacement où repose également la princesse Charlotte (1840-1927), fille de Léopold Ier et de Louise-Marie, devenue par la suite impératrice du Mexique, ainsi le prince Léopold-Emmanuel de Liechtenstein, fils de la princesse Margaretha de Luxembourg et du prince Nikolaus de Liechtenstein, mort-né en 1984.

3 commentaires:

  1. Bravo et merci pour ce portrait d'un prince oublié de tous...y compris de sa famille car cela paraît surréaliste que le roi Léopold Ier ou le roi Léopold II n'ait pas fait transférer son cerceuil auprès de la reine Louise-Marie dans la nouvelle crypte royale.

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  2. Félicitations pour cet excellent portrait Valentin !

    Ecrire un récit sur la vie d'un prince qui a tout juste vécu durant neuf mois n'était pas chose évidente. Tu as réussi à nous offrir un texte très intéressant et superbement illustré avec ton talent habituel.

    En dépit des précautions prophylactiques édictées par la reine Louise qui refusait que son enfant soit approché de trop près, l'enfant fut à la fois victime de l'incurie de gouvernantes irresponsables et de l'impuissance de l'arsenal thérapeutique.

    Je ne connaissais pas tous les détails que tu nous as livrés, merci !

    Bien amicalement,

    Damien

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  3. Merci et bravo Valentin pour cet article très intéressant et fort bien documenté et illustré.

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