La Salle du Trône, la plus grande avec quarante-et-un mètres de longueur et vingt-sept mètres de largeur, est considérée comme la plus emblématique des salles du Palais royal. Elle a vu le jour suite aux travaux d'agrandissement et de réaménagement demandés par le roi Léopold II en 1868 à Alphonse Balat. Auparavant, d'autres endroits de l'édifice ont servi de "salle du trône". Sous l'époque hollandaise, le roi Guillaume Ier utilisa tout d'abord un endroit proche de ses propres appartements, à l'arrière de l'aile droite de l'édifice, puis ce que l'on appelle encore aujourd'hui le Grand Salon Blanc, et elle fut enfin déplacée vers 1825 au niveau de l'actuel Salon des XVII Provinces (voir ci-dessous). Avec le roi Léopold Ier, c'est le Salon Bleu, considéré alors comme le plus prestigieux endroit du palais, qui occupa cette fonction symbolique.
La Grande Salle des Bals, comme elle était appelée à l'époque, a été terminée en 1872 et une partie était effectivement utilisée comme salle du trône. Donnant sur le jardin arrière, elle est en réalité divisée en trois parties dont celle se trouvant au centre, la plus vaste (26m x 18,5m), communique de part et d'autre avec deux espaces identiques (16,5m x 10m), à savoir le Salon des XVII Provinces (vers les appartements de l'aile droite) et le Salon des Présentations (vers la Salle de Marbre). La séparation s'opère à l'aide de trois larges et hautes baies composées d'arcades en plein centre reposant sur deux groupes de quatre pilastres cannelées.
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Salon des Présentations |
L'ornementation, de style Louis XVI, est directement inspirée des Tuileries et de Versailles. La dorure à la feuille d'or est prédominante : sur les plinthes, les chapiteaux, les entablements ou encore aux plafonds. Les bas-reliefs de la partie centrale sont censés représenter des activités économiques liées à huit provinces belge - la province du Brabant n'étant pas présente car le palais s'y trouvait - comme l'ancre pour la province d'Anvers ou le chien de chasse pour celle de Luxembourg. Quatre de ces bas-reliefs peuvent être attribués au célèbre Auguste Rodin qui séjourna six ans en Belgique et collabora à ce travail. Au dessus des portes se trouvent par contre des bas-reliefs de Thomas Vinçotte qui illustrent allégoriquement l'Escaut et la Meuse, symboles du nord et du sud du pays. Des portraits d'artistes du XVIIe siècle, tels Pierre-Paul Rubens, Antoine van Dijck, Jacob Jordaens et Jérôme Duquesnoy, se trouvent sur les parois du fond de la salle.
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(© Antonio José da Conceição Ponte/tous droits réservés) |
Le décor est complété par un buste de Guillaume Geefs (1841) représentant le roi Léopold Ier en uniforme et portant plusieurs décorations, par onze lustres en bronze doré à cristaux et par vingt-huit grandes appliques que la reine Elisabeth avait d'ailleurs décidé de faire teindre en ocre afin qu'elles produisent une lumière plus douce. C'est également l'épouse du roi Albert Ier qui fit installer des tentures de velours et de soie rouge. Le parquet est composé de chêne, d'érable, d'acajou et d'ébène. Outre les divers dessins géométriques que les entrelacs de marqueterie forment, le monogramme du roi Léopold II est également rappelé dans ce parquet.
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(© Antonio José da Conceição Ponte/tous droits réservés) |
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Le roi Léopold Ier avec le grand cordon et la plaque de Grand-Croix de l'Ordre de Léopold à titre militaire, la plaque de Chevalier de l'Ordre de la Jarretière et la Croix de Chevalier de l'Ordre de la Croix de fer (Prusse) (© Antonio José da Conceição Ponte/tous droits réservés) |
Remplaçant la salle de bal qu'était auparavant la Salle Empire, une des premières manifestations qui s'y est déroulée fut un bal de la Cour donné le 2 février 1875 avant le mariage de la princesse Louise, fille aînée du roi Léopold II, avec son cousin le prince Philippe de Saxe-Cobourg. Un orchestre peut d'ailleurs prendre place dans une loge située en balcon. Plus tard, lors des bals, comme le tout dernier donné en 1958, une estrade dotée d'une base en fer de cheval, destinée à la famille royale, était placée le long du mur du fond de la Salle du Trône. De part et d'autre, se plaçaient le corps diplomatique, le gouvernement et les membres des maisons royales. Le Salon des Présentations permettait, comme son nom l'indique, d'y présenter les débutantes ou les personnes pour la première fois invitée au Palais.
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Abdication du roi Léopold III le 16 juillet 1951 |
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Dernier bal donné à la Cour en 1958 en présence du roi Baudouin, du roi Léopold III et de la princesse Lilian, du prince Albert, ainsi que des princesses Beatrix et Irène des Pays-Bas, le diadoque Constantin de Grèce ou encore de la princesse Marie-Gabrielle de Savoie |
La Salle du Trône était également utilisée pour les grands dîners. Une grande table de vingt mètres de long et de deux mètres de large se voyait alors renforcée par quatre tables perpendiculaires pouvant accueillir deux cents invités. Lors du dîner de gala donné en 1966 dans le cadre de la visite d’État en Belgique de la reine Élisabeth II du Royaume-Uni et de son époux le duc d’Édimbourg, on comptait 253 convives. Pêle-mêle, ce lieu a accueilli par ailleurs la signature de l'acte d'abdication du roi Léopold III en 1951, le 80e anniversaire de la reine Élisabeth, le mariage civil du roi Baudouin et de la reine Fabiola en 1960, un dîner rassemblant les Prix Noble belges Ilya Prigogine, Christian de Duve et Albert Claude en 1971, la présentation officielle de la Fondation Roi Baudouin en 1976, un grand dîner réservé au corps diplomatique à l'occasion des 150 ans de la Belgique en 1980 ou encore la signature de l'acte d'abdication du roi Albert II en 2013. De manière annuelle, c'est dans la Salle du Trône que le Roi prononce son discours de Nouvel An destiné aux autorités du pays ou que se déroulent les concerts d'automne et de Noël.
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Mariage civil du roi Baudouin le 15 décembre 1960 |
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Lors du dîner de gala offert à la reine Beatrix et au prince Claus des Pays-Bas lors de leur visite d'Etat en Belgique le 31 mars 1981Photo : Agence Van Parys |
Cette salle a été restaurée en 1955 puis en 1985 où il s'agissait notamment de décrasser les bas-reliefs ou de rétablir des peintures originales. La dernière grosse rénovation date de 2010 dans le cadre de l'accueil au Palais du Sommet Europe - Asie. La Salle du Trône s'était d'ailleurs transformée en salle de réunion avec des cabines d'interprétation, ce qui demanda par la suite que le parquet soit traité. On en profita également à l'époque pour remplacer les lampes - pas moins de 2.800! - par un éclairage LED, bien plus économique, spécialement conçu par une entreprise belge.
Sources principales :
- DE LA KETHULE DE RYHOVE T., VANDEWOUDE E. et VAN YPERSELE DE STRIHOU A. (1975), Le Palais Royal à Bruxelles, Bruxelles, Pehel Brussel
- RANIERI L. (1991), « Les grandes heures depuis 1830 » dans Le Palais de Bruxelles. Huit siècles d'art et d'histoire, Bruxelles, Crédit Communal, pp. 345-372
- VERMEIRE M. (1991), « Le Roi dans ses meubles » dans Le Palais de Bruxelles. Huit siècles d'art et d'histoire, Bruxelles, Crédit Communal,pp. 303-344
Article très intéressant et bien documenté. J'ignorais que les deux parties de la Salle du Trône avaient leur propre nom. Durant la guerre, n'a-t-elle pas aussi été transformée en hôpital?
RépondreSupprimerJe ne suis pas sûr que la Salle du Trône ait fait partie de l'Ambulance du Palais Royal mise en service en 1914. Selon une source, les malades (213 lits) ont été placés dans 13 salles dont au moins la Salle Empire, la Grande Antichambre, le Salon du Penseur et la Grande Galerie. Il y avait également une salle de pansements, une salle d'opération dans la Serre de Brabant ainsi que des installations radiographiques.
SupprimerC'est toujours un plaisir de lire tes articles si intéressants !
RépondreSupprimerBien amicalement,
Damien