Le Domaine du Stuyvenberg, propriété de la Donation Royale, se situe à quelques pas du Château royal de Laeken et du Château du Belvédère. D'une superficie de plus de 21 hectares, il abrite plusieurs bâtiments : le Château du Stuyvenberg, qui fut occupé par différents membres de la famille royale, une ferme-château appelée « ferme rose », des dépendances ainsi que la « Villa Schoonenberg » construite au début des années 2000 pour y loger la famille de la princesse Astrid. Après son mariage, le prince Amedeo s'est installé avec son épouse dans l'une des dépendances du domaine.
1. La ferme rose 2. Le Château du Stuyvenberg (ancienne résidence des reines Elisabeth puis Fabiola) 3. Villa Schoonenberg, résidence de la princesse Astrid 4. Dépendance, occupée par le prince Amedeo |
L'ancien château, datant du XVIIIe siècle, est le bâtiment le plus ancien du domaine. Son appellation de « ferme rose » est due à ses briques rouges. Les lieux appartenaient au XVIe siècle à Louis Van Bodeghem, architecte qui fut au service des ducs de Bourgogne puis des rois d'Espagne. Les terres furent vendues par son fils en 1602, puis de nouveau en 1703 par Jeanne Françoise Hannosset, veuve du fils du seigneur de Moerbeek. L'acquéreur était alors Joachim Joseph Sirejacob. C'est lui qui entreprit de reconstruire une ferme avec une tour à cinq étages au fronton de laquelle est inscrit le millésime « 1713 ». Les travaux furent achevés en 1725.
Dessin de F.J. Derons |
La ferme-château passa à sa fille, Marie-Françoise Sirejacob, puis en 1796 au fils de cette-dernière, François-Charles-Joseph De Leeu de Moorsele. Son petit-fils, le baron François de Wolff de Moorsele, qui en avait hérité en 1811, vendit la propriété le 8 novembre 1829 à Marc-Julien Deby, plus tard bourgmestre de Laeken. Il en resta propriétaire pendant un peu plus de dix ans puisqu'il remit le bien à l'Etat en 1840, moyennant une somme de 131.450 francs. Et enfin, dans un mouvement d'échange de terres, le roi Léopold II en fut propriétaire en 1880.
Neuf ans plus tard, en 1889, le roi Léopold II acquit une autre propriété, contiguë de la précédente. A l'origine, ces terres furent achetées en 1801 et 1802 par la famille Ruzette dont l'un de ses représentants, Emmanuel, fut bourgmestre de Laeken. Le 2 décembre 1840, alors qu'il venait de céder l'ancien château, Marc-Julien Deby s'octroya les lieux qui dépassaient à peine les trois hectares. Il y fit édifier le Château du Stuyvenberg, appelé aussi « Stelebosch ». Une construction blanche, dans un style néoclassique et d'un confort naturellement supérieur à la ferme-château. En 1850, le domaine fut une nouvelle fois vendu. Le nouveau propriétaire, Jean-Michel Huhleim, n'occupa en fait jamais les lieux et revendit le bien pour 80.000 francs le 16 juin 1851 à Arcadie Claret, épouse de Frédéric Meyer, qui n'était autre que le maîtresse du roi Léopold Ier. On peut d'ailleurs penser que le précédent propriétaire n'était qu'un homme de paille du souverain. L'acte de vente faisait alors état d' « une maison de campagne avec écuries, remises, jardins, maison de jardinier, terre, pré et dépendances ».
Arcadie Claret vivait auparavant rue Royale, où elle subissait souvent les foudres de la population. Installée au Château du Stuyvenberg, renommée pour l'occasion « Campagne Meyer », elle était davantage au calme et le roi Léopold Ier pouvait lui rendre visite plus souvent. C’est là que naît d'ailleurs, le 25 septembre 1852, le second fils naturel du souverain et de sa jeune maîtresse, Arthur, qui sera titré plus tard Baron von Eppinghoven. A la mort du roi en 1865, la maîtresse royale quitta la Belgique pour s’installer en Allemagne, sur des terres que lui avait léguées Léopold Ier. Le domaine fut alors laissé à l’abandon. Par l'entremise d'un homme de paille, le capitaine Léonce Hubert Marlier, Léopold II en fit l'acquisition le 9 mars 1889 pour une somme de 140.000 francs.
L'ancien château et le Château du Stuyvenberg étaient enfin réunis en 1889 sous l'égide d'un même propriétaire. Le mur séparant les deux propriétés fut abattu alors qu'une enceinte encercla l'ensemble du domaine d'une superficie de 21 hectares, 32 ares et 70 centiares. Le roi Léopold II fit appel aux architectes Alphonse Balat et Emile Lainé pour d'importantes rénovations dès 1890. Le Château du Stuyvenberg, qui s'est vu agrémenté d'une tourelle à l'extrémité de l'aile gauche, porte d'ailleurs le monogramme du souverain sur le fronton de la façade du côté sud. Un pont, surplombant un ravin, fut même aménagé pour relier les deux bâtisses. Le château-ferme fut utilisée comme laiterie royale. Le 9 avril 1900, le roi Léopold II cède le Domaine du Stuyvenberg à la Donation Royale.
A la fin de l'année 1927, des travaux y furent entrepris par l'architecte Heyminx en prévision de l'installation du prince héritier Léopold et de la princesse héritière Astrid. Des rénovations étaient nécessaires puisque des fissures étaient visibles. Les prospections relevèrent d'ailleurs que certains murs avaient été construits sur du sable. L'estimation du coût des travaux passa de 750.000 francs à 1.900.000 francs en mars 1928 ! Le jardin à la française fut également redessiné. Les ducs de Brabant de l'époque s'y installèrent en 1929 et c'est au Château du Stuyvenberg que naquit le prince Baudouin en 1930, suivi du prince Albert en 1934. Veuf, le roi Léopold III quitta cette résidence avec ses trois enfants pour le Château royal de Laeken.
La reine Astrid confectionnant un bouquet de fleurs dans l'entrée du Château du Stuyvenberg |
Il fallut attendre l'année 1951 pour que le Château du Stuyvenberg retrouve une affectation avec la venue de la reine Elisabeth, la veuve du roi Albert Ier. Suite au retour d'exil de la famille royale en 1950, le Château royal de Laeken voyait cohabiter le roi Léopold III et sa seconde épouse la princesse Lilian, la princesse Joséphine-Charlotte ainsi que les princes Baudouin, Albert et Alexandre, qui seront par la suite rejoints par Marie-Christine et Marie-Esméralda. Et l'abdication du roi Léopold III et la délégation des pouvoirs royaux au prince Baudouin ne changèrent rien à cette situation. La reine Elisabeth qui vivait alors depuis la Seconde Guerre mondiale au Pavillon des Palmiers, une dépendance du Château royal de Laeken, fut priée de s'installer au Château du Stuyvenberg. Elle y emménagea le 28 janvier 1951. La demeure avait connu alors une modification : la tourelle avait été détruite au profit d'un agrandissement de l'aide gauche.
La reine Elisabeth, comme elle le faisait auparavant, continua à recevoir dans sa nouvelle demeure de nombreuses personnalités, telles que François Périer, André Maurois, Paul Claudel, Popov, Maurice Chevalier et bien d’autres. Le Château du Stuyvenberg accueillait également ses fidèles compagnons : deux chiens de berger et un perroquet, prénommé « Cocotje », ramené du Congo. La salle à manger servait de salle de réception. Un lieu où se mélangeaient souvenirs de guerre, photos, tableaux peints par elle-même ou Laermans, Servaes ou encore Paulus. Un atelier de peinture et de sculpture, dont elle eut la jouissance au Château royal de Laeken, fut construit dans le parc du Stuyvenberg. Ce bâtiment, appelé la « Toontje », a été détruit en 1982.
Dans son ouvrage paru en 1976, « Elisabeth de Belgique. Reine de cœur, Reine des arts », le baron Carlo Bronne y donne une description de l'ambiance au sein du domaine et de la demeure de la souveraine : « Derrière la maison blanche descendait un gazon velouté, encadré par deux longues plates-bandes débordantes de fleurs aux couleurs vives où picoraient des faisans. L’horizon était bordé par des massifs au-delà desquels flottait dans la brume le dôme du palais de Justice. A l’intérieur, des salons gris et beiges conduisaient à une vaste pièce à la fois bibliothèque, salon de musique, cabinet de travail, exact reflet de la personnalité multiple de l’hôtesse. Les étagères étaient chargées de livres et de disques. Sur les rayons, des biographies de compositeurs voisinaient avec des ouvrages de philosophie bouddhique. Deux chouettes de bronze regardaient un orchestre, en porcelaine, d’anges musiciens offert par Philip Newman. Un Stradivarius reposait sur le piano à queue. Des fauteuils, un canapé recouverts de toile de Jouy lumineuse engageaient aux entretiens confiants. Des bustes du prince Albert, de la princesse de Grèce, du frère de l’auteur, Louis-Guillaume de Bavière, personnalisaient le salon où passèrent tant de visiteurs de marque ».
La reine Elisabeth est décédée au Château du Stuyvenberg le 23 novembre 1965. Le lendemain, l'acte de constat du décès était signé en présence des membres masculins de la famille et de sa fille la reine Marie-José. Une chapelle ardente fut installée dans l'entrée avant qu'une cérémonie d'absoutes ait lieu, précédant la translation du corps vers le Palais de Bruxelles. A partir de ce moment, la Donation Royale mit la résidence à la disposition du Ministère des Affaires Étrangères qui en fit une résidence pour les hôtes de marques étrangers de passage en Belgique. Le château accueillit également à plusieurs reprises des négociations gouvernementales comme celles qui amenèrent aux « Accords du Stuyvenberg » en 1978.
Façade côté sud (chambre de la reine Elisabeth marquée) |
Façade côté nord |
La reine Elisabeth, comme elle le faisait auparavant, continua à recevoir dans sa nouvelle demeure de nombreuses personnalités, telles que François Périer, André Maurois, Paul Claudel, Popov, Maurice Chevalier et bien d’autres. Le Château du Stuyvenberg accueillait également ses fidèles compagnons : deux chiens de berger et un perroquet, prénommé « Cocotje », ramené du Congo. La salle à manger servait de salle de réception. Un lieu où se mélangeaient souvenirs de guerre, photos, tableaux peints par elle-même ou Laermans, Servaes ou encore Paulus. Un atelier de peinture et de sculpture, dont elle eut la jouissance au Château royal de Laeken, fut construit dans le parc du Stuyvenberg. Ce bâtiment, appelé la « Toontje », a été détruit en 1982.
Studio de la reine Elisabeth |
Atelier de peinture et de sculpture de la reine Elisabeth |
Dans son ouvrage paru en 1976, « Elisabeth de Belgique. Reine de cœur, Reine des arts », le baron Carlo Bronne y donne une description de l'ambiance au sein du domaine et de la demeure de la souveraine : « Derrière la maison blanche descendait un gazon velouté, encadré par deux longues plates-bandes débordantes de fleurs aux couleurs vives où picoraient des faisans. L’horizon était bordé par des massifs au-delà desquels flottait dans la brume le dôme du palais de Justice. A l’intérieur, des salons gris et beiges conduisaient à une vaste pièce à la fois bibliothèque, salon de musique, cabinet de travail, exact reflet de la personnalité multiple de l’hôtesse. Les étagères étaient chargées de livres et de disques. Sur les rayons, des biographies de compositeurs voisinaient avec des ouvrages de philosophie bouddhique. Deux chouettes de bronze regardaient un orchestre, en porcelaine, d’anges musiciens offert par Philip Newman. Un Stradivarius reposait sur le piano à queue. Des fauteuils, un canapé recouverts de toile de Jouy lumineuse engageaient aux entretiens confiants. Des bustes du prince Albert, de la princesse de Grèce, du frère de l’auteur, Louis-Guillaume de Bavière, personnalisaient le salon où passèrent tant de visiteurs de marque ».
Avec l'orchestre offert par Philip Newman |
Chapelle ardente dans le hall du Stuyvenberg |
La reine Elisabeth est décédée au Château du Stuyvenberg le 23 novembre 1965. Le lendemain, l'acte de constat du décès était signé en présence des membres masculins de la famille et de sa fille la reine Marie-José. Une chapelle ardente fut installée dans l'entrée avant qu'une cérémonie d'absoutes ait lieu, précédant la translation du corps vers le Palais de Bruxelles. A partir de ce moment, la Donation Royale mit la résidence à la disposition du Ministère des Affaires Étrangères qui en fit une résidence pour les hôtes de marques étrangers de passage en Belgique. Le château accueillit également à plusieurs reprises des négociations gouvernementales comme celles qui amenèrent aux « Accords du Stuyvenberg » en 1978.
Vue à l'intérieur au moment de l'arrivée de la reine Fabiola |
En 2002, après avoir occupé une villa à l'arrière du Palais de Bruxelles, la princesse Astrid et sa famille s'installèrent dans une nouvelle bâtisse au sein du Domaine du Stuyvenberg. Nécessitant trois ans de travaux et dotée d'une piscine intérieure, la Villa Schoonenberg, reprenant le nom initial du Château royal de Laeken, coûta 1,8 millions d'euros à la Donation Royale. A quelques mètres de la demeure, un court de tennis a vu le jour. Plusieurs événements familiaux y furent célébrés comme les 18 ans du prince Amedeo en 2004 ou les 50 ans de la princesse Astrid en 2012. Autant de rares occasions pour les journalistes et les photographes de pénétrer dans le domaine. La reine Fabiola est décédée au Château du Stuyvenberg le 5 décembre 2014. Selon le Palais, il n'est pas impossible que la résidence puisse être remise à disposition du gouvernement avant qu'elle voit le retour d'un membre de la famille royale.
Après son mariage avec Elisabetta Maria Rosboch von Wolkenstein à Rome en 2014, le prince Amedeo chercha à obtenir un poste à Bruxelles, ayant la volonté de vivre en Belgique auprès de ses parents. La presse a indiqué qu'il avait emménagé dans une dépendance du Domaine du Stuyvenberg, situé juste en face de la Villa Schoonenberg. Cette demeure de briques rouges était à l'origine des remises à côté desquelles se trouvait une volière. Il n'est pas impossible que cette habitation ait été habitée plus récemment par des membres du personnel.
Autres articles sur le Stuyvenberg :
- Les photos de l'intérieur lors de l'occupation par Léopold et Astrid : lien
- Les photos de l'intérieur lors de l'occupation par la reine Elisabeth : lien
Cela me rappelle une certaine journée passée ensemble... Ton article est très intéressant car on parle souvent du Stuyvenbergh sans en préciser l'historique. Dommage que la reine Fabiola ne l'ait jamais ouvert à la presse, pas même pour ses 80 ans qu'elle a fêtés à Laeken. J'ai lu que la princesse Astrid et sa famille y auraient emménagé en 2002 (source : "Métier de Roi" de Pierre-Yves Monette).
RépondreSupprimerOui, j'ai également pensé à cette journée à écrivant l'article.
RépondreSupprimerIl est dommage, en général, que les demeures de la Donation royale ne soient pas ouvertes au public, ne serait-ce exceptionnellement pour par exemple les Journées du Patrimoine, de plus certaines ne sont plus utilisées depuis longtemps. Mais encore une fois, la logique de la communication lamentable du Palais l'emporte : "ce qui est privé, est privé"...
Très bon article, je ne me figurais pas la Famille royale vivant si près les uns des autres.
RépondreSupprimerMerci pour ses informations, je suis maintenant curieuse : et Laecken ?
Cisca,
RépondreSupprimerCe domaine se situe à quelques minutes à pied du château de Laeken (où le prince Philippe et sa famille occupe une aile), tandis que les souverains préfèrent la modeste demeure du Belvédère qu'ils occupent depuis 1958 est qui se trouve elle aussi dans les environs. En réalité la famille royale est concentrée à Laeken (où se trouve également la crypte royale), hormis le prince Laurent habitant la Villa Clémentine à Tervueren (dans la région bruxelloise).
J'essayerais prochainement de faire découvrir d'autres lieux, dont la plupart appartiennent à la Donation royale, dont plusieurs châteaux dans les Ardennes. Cependant, vu le caractère privé de ces habitations, on possède assez peu d'informations et (presque) aucune photo de l'intérieur de ces habitations.
Arcadie Claret a vécu ici avec son mari et sa famille. Léopold la congédia peu après la mort de Marie-Louise, et elle cessa d'être maîtresse, vivant à Bruxelles comme une sorte d'amie. Elle était très impopulaire parce qu'elle était très autoritaire, égoïste, et pas une personne gentille ou décente. Elle était une chercheuse d'or militante qui a utilisé le roi pour des faveurs pour sa famille. Il n'y a pas d'enregistrement ou de preuve que Léopold est venu ici "pour lui rendre visite souvent". Aucune preuve que l'un ou l'autre de ses deux enfants illégitimes était Léopold non plus. Il y a quelques auteurs récents qui veulent la peindre sous un jour meilleur qu'elle le mérite, et utilisent des fausses informations non prouvées et carrément fausses pour prouver leurs points.
RépondreSupprimerPensez à cette villa comme une sorte de "grâce et de faveur" résidence pour les goûts de l'Arcadie Claret Meyer. Encore une fois, il est à noter que très peu de temps après la mort de Marie Louise, elle a cessé d'être maîtresse et est tombée à juste titre dans l'obscurité. Si la population locale la détestait, c'était à cause de son caractère et de son arrogance. Elle a harcelé le roi pour obtenir des titres et du soutien pour ses deux enfants illégitimes.
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