Bien qu'ayant connu de nombreuses évolutions, lors de son avènement en 1865, le roi Léopold II est insatisfait du niveau esthétique de son Palais. Il n'est d'ailleurs pas le seul, l'opinion publique trouve très austère la façade tandis que des princes étrangers n'hésitent pas à qualifier d' "affreux" le lieu symbolisant le pouvoir royal en Belgique, comme se sera le cas par l'archiduc Maximilien d'Autriche, le fiancé de Charlotte, la fille unique du roi Léopold Ier. Le deuxième roi des Belges projette d'entreprendre de grands travaux et souhaite d'agrandir le complexe initial.
Dès 1866, les travaux débutent sous la houlette de l'architecte Alphonse Balat. Il s'agit tout d'abord de restaurer et de meubler cette résidence. Les travaux se sont surtout concentrés sur l'aile droite et les salons se trouvant au centre. Plusieurs meubles et objets de décoration ont été achetés dans plusieurs capitales européennes, comme Bruxelles, Paris ou Londres. L'actuel escalier dit de Venise est revu. La volée d'escaliers entre le premier et le second étage a été supprimée, et un panneau a été commandé au peintre Van Moer, ce qui lui a donné son nom actuel.
Une fois ces premiers travaux achevés, de nouvelles ambitions royales voient le jour dès 1867. Il s'agit de grands travaux qui sont censés donner plus de magnificence aux lieux. Une fois de plus, c'est l'aile de droite et le centre qui sont privilégiés en étant dotés de salles d'apparat et d'appartements destinés aux invités de marque. Un escalier d'honneur, en marbre blanc, est aménagé à l'entrée du Palais et donne sur la Grande Galerie. Ces importants travaux sont aussi à l'origine de la Salle du Trône et de la Salle de Marbre, le tout dans un style Louis XVI, inspiré des châteaux de Versailles et des Tuileries, lieux que Léopold II a eu l'occasion d'admirer. Ainsi, les lustres en bronze doré aux cristaux sont de pures répliques de ceux qui se trouvaient aux Tuileries. Cette deuxième série de travaux s'est terminée en 1872.
Au début du XXe siècle, Léopold II décide de s'attaquer à un autre chantier : la façade du Palais. Il est bien décidé de supprimer celle qu'avait conçue Suys, seule la colonnade centrale échappera à la démolition. Ce dessein nécessitera un élargissement de la Place des Palais, afin que les travaux ne gênent pas la circulation. Les plans de la nouvelle façade ont été confiés à Henri Maquet, ainsi qu'aux Français Charles Girault et Honoré Daumet. De nouvelles colonnades ont été ajoutées en avant-corps, surmontées d'une série de six colonnes qui soutiennent un fronton triangulaire dessiné par Thomas Vinçotte. Ces travaux permettront aux Bruxellois, ébahis, de pouvoir admirer un temps l'intérieur du palais.
Détail du fronton (© Antonio José da Conceição Ponte/tous droits réservés) |
Mais la façade ne sera pas le seul chantier entrepris en 1905, puisque le roi souhaite une nouvelle fois restaurer certains salons. A la place de l'ancienne salle à manger, l'angle de la façade de l'aile droite est aménagé en des appartements pour les souverains étrangers de passage en Belgique. L'aile gauche n'est pas épargnée cette fois-ci : construction de la Salle des Glaces et des appartements sont réalisés pour accueillir des hôtes étrangers, nommés appartements de Fontainebleau.
La démolition de la façade réalisée par Suys en avril 1905 |
Sans oublier qu'en 1904, l'Etat - propriétaire du Palais Royal - a acheté l'Hôtel Bellevue afin d'assouvir les désirs d'extension du roi-bâtisseur. Pendant quelques années, la princesse Clémentine, fille cadette du roi Léopold II, a occupé les lieux. L'ancien hôtel d'Assche, lui, avait déjà été acheté en 1852 pour y accueillir la Liste Civile. Ces deux hôtels annexes sont dès lors reliés au Palais par de part et d'autre une galerie courbe. Et enfin, le souverain a décidé de donner un peu de gaieté et de couleurs en aménageant des jardins entre la grille et la façade.
En 1913, ces travaux sont lancés, confiés à l'architecte Octave Flameau. Cette même année, l'hôtel abritant la Liste Civile, devenu bien trop vétuste est abattu. Comme on peut se l'imaginer, la Première Guerre Mondiale a stoppé complètement l'avancement des travaux. La reine Elisabeth décide le 4 août 1914 de mettre sur pied une ambulance au Palais au profit de la Croix-Rouge de Belgique avec une literie provenant du château de Laeken. Deux jours plus tard, la reine elle-même accueillait les premiers blessés. Jusqu'à la fin de la guerre en 1918, les 219 lits du Palais ont permis de soigner de nombreuses victimes.
L'Ambulance du Palais en 14-18 |
Au sortir de la guerre, il aurait été perçu comme inconvenant de poursuivre les travaux, latents depuis août 1914, alors que le pays connaît de sérieuses difficultés financières. En 1920, on se contente de reconstruire l'hôtel de la Liste Civile et d'achever les démolitions prévues dans l'aile droite. Les travaux devant faire place aux démolitions attendront 1930. Le roi Albert Ier a demandé en 1933 à Henry Van de Velde de lui concevoir un bureau au rez-de-chaussée de l'aile droite, bureau toujours utilisé actuellement. Les travaux se sont terminés en 1934, peu avant le décès tragique du roi, si bien que la reine Elisabeth n'aura pas le temps de mener à bien ses projets de décoration.
Alors princes héritiers, Léopold et Astrid ont occupé l'Hôtel Bellevue (où est née la princesse Joséphine-Charlotte) et le château du Stuyvenberg. Ils se sont fait ensuite aménagés une série d'appartements pour eux et les enfants royaux au premier étage de l'aile droite. La reine Astrid aura à coeur de mettre sur pied un projet d'aménagement et de décoration dès 1935. Les appartements se disposaient de cette manière (en partant des appartements réservés aux invités, soit un groupe de trois pièces juste donnant sur la façade au niveau de l'aile droite) : une bibliothèque, un couloir vers l'Escalier de Venise, une Salle à Manger dotée de plafonds à caissons et de murs drapés de soie damassée beige et or, puis un autre couloir donnant sur le grand Salon de la Reine Astrid décoré de boiseries de style Louis XVI récupérées de l'ancien Hôtel Walckiers (Liste Civile) et de tapisseries bruxelloises du XVIIe qu'appréciait tout particulièrement la souveraine. Ensuite venaient un salon chinois aux tons roses, une chambre à coucher ovale, un cabinet de toilette et une salle de bain. Après le décès de son épouse en août 1935, le roi Léopold III a désiré que les travaux aboutissent, même s'il n'occupera jamais le Palais de manière privée.
L'Hôtel Bellevue (© Wikipédia) |
Le frère du roi Léopold III, le prince Charles, occupe quant à lui l'aile gauche à l'année. Artiste lui-même, il prendra goût a restaurer petit à petit certains salons de l'aile qui lui est dévolue. Il commande ainsi plusieurs peintures, notamment représentants son père. Bon bricoleur, il n'hésite d'ailleurs par à mettre la main à la pâte. Lorsque la Deuxième Guerre Mondiale est déclarée, une fois de plus, la reine Elisabeth est à l'initiative de l'installation d'une ambulance. Quand vient le moment pour Charles de devenir Régent, un bureau lui sera aménagé au rez-de-chaussée et il effectuera ses réceptions dans la Salle Flamande du premier étage qu'il a restaurée. Chef d'Etat par intérim, il choisira de faire flotter le drapeau belge uniquement au dessus de son aile. Après la fin de la Régence, il sera prié de quitter le Palais dès le début du mois d'octobre 1950.
En 1951, l'ancien hôtel du marquis d'Assche est réaménagé. Désormais, le Cabinet du Roi occupe le rez-de-chaussée (ainsi que les pièces situées de part et d'autre de la galerie courbe de l'aile droite), la Maison Militaire du Roi le premier étage et la Liste Civile le second étage. Le département du Grand-Maréchalat (supprimé en 2006) prend quant à lui ses quartiers au rez-de-chaussée du Palais, dans les pièces donnant directement vers la rue Brédérode (parallèle à la place des Palais). Et en 1955, l'ensemble du vaste bâtiment est remis à neuf : restauration du mobilier, des salons, des dorures, etc. Les principaux travaux de réfection sont terminés en 1958, de sorte que plusieurs grandes réceptions pourront être données dans un cadre scintillant à l'occasion de l'Exposition Universelle, et pour les mariages du prince Albert et du roi Baudouin qui se sont déroulés respectivement en 1959 et 1960.
Hôtel de la Liste Civile (© Google Maps) |
L'Hôtel Bellevue a été transformé en 1935, à l'initiative de la reine Astrid, en "ouvroir" pour la Croix-Rouge afin d'y collecter vivres et vêtements pour les plus défavorisés. Léopold III et Astrid en auront été les derniers occupants royaux. En 1953, le bâtiment retrouve une vocation humanitaire au profit de la Croix-Rouge suite à de terribles inondations, ainsi qu'en 1960 où il accueillera des réfugiés du l'ancienne colonie du Congo. Aujourd'hui, la Donation Royale y possède son siège, et une grande partie est destinée au Musée BELvue (anciennement Musée de la Dynastie et Mémorial Roi Baudouin) qui retrace l'histoire de la Belgique et accueille à l'occasion des expositions temporaires sur des membres de la famille royale.
A partir de la fin de l'année 1985, le prince Philippe a eu droit à ses appartements privés au Palais, situés au second étage de l'aile droite, au même endroit où Léopold II, duc de Brabant à l'époque, avait vécu dès sa majorité (il occupait également les autres étages). Ces appartements, cédés à la demande du roi Baudouin, étaient plutôt spartiates. Une petite cuisine et une salle de bain avait été spécialement aménagées à cet effet. Sa soeur, la princesse Astrid habitera à partir de l'été 1993, non loin. Revenue en Belgique suite à l'abrogation de la loi salique, elle a été logée dans une villa mise à sa disposition par la Donation Royale à l'arrière du Palais, dans la rue Brédérode. En 1998, elle a quitté cette villa pour le domaine du Stuyvenberg où la Donation lui a fait construire une villa plus spacieuse.
Entrée arrière du Palais pour le personnel, située rue de Brédérode. Le bâtiment à gauche est la villa qu'a occupée la princesse Astrid de 1993 à 1998 (© Google Maps) |
Avec l'avènement du roi Albert II en 1993, la nouvelle souveraine, passionnée par l'art et les jardins, a entrepris de nombreux travaux d'embellissement des résidences royales. Pour le Palais Royal, elle a désiré y introduire l'art contemporain belge. Pour cela, elle a composé un comité artistique qui a été à l'origine de l'entrée de trois oeuvres en 2002, dont le célèbre plafond de la Salle des Glaces recouvert d'élytres de scarabées. En 2004, une nouvelle oeuvre a fait son entrée ainsi qu'une série de six tableaux dans le Salon des Maréchaux en 2010.
Des travaux de réfection ont été apportés en 1990 (notamment au niveau de la Salle du Trône) ou encore récemment en 2009 en prévision du sommet Asie-Europe à l'occasion de la présidence belge de l'Union Européenne en 2010. Cela avait donné lieu au réaménagement du Salon Louis XVI, du Salon de Léopold Ier et du Salon des Maréchaux et à la restauration de certains parquets ou d'oeuvres d'art des Collections royales. Sans oublier le renouvellement des installations électriques et du remplacement des ampoules en lampes LED moins énergivores et permettant ainsi de faire des économies à moyen terme. A l'occasion de l'ouverture au public en 2010, un des salons situé entre la Salle du Trône et la Grande Galerie a été refait pour y accueillir désormais le bureau reconstitué du roi Albert Ier.
C'est donc à partir de Léopold III que le Palais devient simplement, pour le souverain, un lieu de travail où il possède un bureau, ainsi que ses collaborateurs. Auparavant, en plus d'être un lieu de vie (avec le château de Laeken), le Palais était mis plus souvent à contribution : quatre bals de la Cour par an sous le roi Léopold II, jusque pendant le règne du roi Albert Ier le Conseil des Ministres s'est tenu au Palais, il s'agissait d'un cadre souvent utilisé durant les visites d'Etat.
Jusqu'il y a peu, le Roi s'y rendait tous matins pour travailler et rencontrer ses plus proches collaborateurs. C'est au Palais que les ambassadeurs en poste en Belgique venaient présenter leurs lettres de créances dans la Salle Empire. Une entrevue en tête-à-tête se déroulait ensuite entre le Roi et le diplomate dans le Grand Salon Blanc. Le Souverain effectuait également ses audiences politiques ou de personnes issues de la société civile dans son bureau au rez-de-chaussée. Mais depuis le début de l'année 2011, le roi Albert II ne reçoit presque plus jamais les ambassadeurs ou les personnes reçues en audience au Palais. Il privilégie désormais le château de Laeken, qui accueille depuis le début de son règne presque tous les dîners de gala des visites d'Etat. Ayant presque 80 ans, il est sans doute plus facile pour le Roi de se rendre au château de Laeken pour recevoir alors qu'il habite juste en face, au château du Belvédère.
Le Reine possède également un bureau au Palais, tout le prince Philippe et la princesse Mathilde. Des bureaux sont aussi occupés par la Maison des Ducs de Brabant, la Maison de la Princesse Astrid et la Maison du Prince Laurent. Contrairement au Roi, le prince Philippe reçoit fréquemment au Palais, notamment lorsqu'il remplace son père. Mais des événements réguliers s'y déroulent toujours : les différentes réceptions de Nouvel An, l'enregistrement des discours du Roi à l'occasion de Noël et de la Fête Nationale, les concerts de Noël et d'Automne, la Journée de contact diplomatique, la remise de certains Prix (Belgodyssée, Prix Princesse Mathilde, Prix Fondation Roi Baudouin, etc.) ou encore à l'extérieur du Palais pour la cérémonie militaire organisée à l'occasion de la Fête du Roi.
Excellent reportage très exhaustif Valentin ! J'apprécie beaucoup les illustrations et les plans d'une grande clarté.
RépondreSupprimerIntéressant.Est-ce que les souverains et la reine Fabiola ont toujours leur
RépondreSupprimerrésidence campagnarde?Fenffe,je crois pour les souverains et Opimbrie,pour la
reine Fabiola?
Est-ce que la demeure de Tervueren (château?) où résidait l'impératrice Charlotte existe toujours?Est-il exact qu'à son retour du Mexique,elle fût séquestrée par François-Joseph à Miramar et que c'est la reine Henriette
de Belgique,sa belle-soeur qui a réussi à l'en faire sortir?
Si enfant il y eût (cf Castelot "Maximilien et Charlotte),on en revient ,une fois de plus à Weygand dont on ne saura jamais de
Supprimerqui il était le fils biologique.
Bonne soirée
Bernadette
Deux petites remarques :
RépondreSupprimer1° Ce n'est pas le salon Léopold Ier qui a été rénové en 2010, mais l'ancien salon bleu (aujourd'hui rebaptisé salon de pilastres). A noter que les salons Louis XVI, de pilastres et des maréchaux ont été rénovés par le décorateur Axel Vervoordt à la demande de la reine Paola, tout en intégrant les oeuvres de Michaël Borremans sur le laquai.
2° Entre le Musée Bellevue et la galerie courbe, il y a le pavillon Borghendael mais j'ignore son histoire et si des membres de la famille royale y ont vécu.
Et une suggestion : début septembre 1999 (juste quelques jours avant l'annonce des fiançailles princières), le prince héritier Philippe, le prince héritier Willem-Alexander, le grand-duc héritier Henri et la grande-duchesse héritière Maria-Teresa ont inauguré une expo au Musée Bellevue sur les dynasties du Benelux, puis ont été reçus à déjeuner par le prince Philippe au palais royal. Et je me rappelle qu'on a vu une photo unique d'eux quatre prenant l'apéritif sur une terrasse du premier étage du palais royal (je pense que c'est la terrasse qui donne sur la Cour du Brabant) ; peut-être pourrais-tu la retrouver pour un prochain article sur le palais royal?