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Peinture de Gusaf Wappers |
Louise, Marie, Thérèse, Caroline, Isabelle d'Orléans est née à la Villa Santa-Teresa de Palerme le 3 avril 1812. Elle est la fille de Louis-Philippe, duc d'Orléans, et de la princesse Marie-Amélie de Bourbon-Siciles (fille du roi Ferdinand Ier des Deux-Siciles). Son père vivant en exil en Sicile, elle porte à sa naissance le titre de princesse d'Orléans et elle est également appelée "Mademoiselle de France". Deux ans plus tôt, ses parents avaient déjà donné naissance à un héritier, le prince Ferdinand, titré duc de Chartres (qui héritera du titre de duc d'Orléans en 1830). D'autres enfants suivront : Marie en 1813 (Mademoiselle de Valois), Louis en 1814 (duc de Nemours), Françoise en 1816 (décédée en 1818), Clémentine en 1817 (Mademoiselle de Beaujolais), François en 1818 (prince de Joinville), Henri en 1822 (duc d'Aumale) et Antoine en 1824 (duc de Montpensier).
Deux ans après sa naissance, en 1814, suite à l'abdication de l'empereur Napoléon Ier, la famille du duc d'Orléans est revenue en France, où elle a récupéré notamment le Palais royal. Mais très peu de temps après, durant la période des Cent-Jours, Marie-Amélie et ses enfants ont repris le chemin de l'exil et se sont installés cette fois-ci à Twickenham, sur le sol anglais. Après la défaite de Waterloo, la famille n'a pas regagné immédiatement la France où elle est alors boudée par la Cour. Ce n'est qu'en 1817 que l'exil a pris fin et la famille du duc d'Orléans a emménagé au château de Neuilly. En 1821, la famille s'est installée au château d'Eu dont venait d'hériter Louis-Philippe. Quelques années plus tard, suite à la révolution des Trois-Glorieuses en juillet 1830, son père est devenu le Roi des Français. En tant que fille de souverain, Louise-Marie s'est vue conférer le titre de Princesse du Sang Royal de France.
Les parents de la princesse Louise-Marie font figure d'exception à l'époque au sein des cours
d'Europe : les époux sont réellement unis et vivent dans une atmosphère bourgeoise, ce qui permettra d'avoir avec leurs enfants des liens particulièrement privilégiés. L'éducation des enfants est décrite par Alphonse Rastour de Mongeot dans "
La Reine. Tableau de sa vie et de sa mort" (1850) : "
Pendant que les fils du Duc d'Orléans allaient s'assoir sur les bancs du collège Henri IV avec les enfants du peuple et participaient ainsi aux avantages de cet enseignement national qui les préparait de bonne heure à leur glorieuse carrière de soldat et de marin, les Princesses Louise-Marie et Marie-Clémentine, objets de la tendresse et constante surveillance de leur mère, acquéraient chaque jour des connaissances nouvelles, formaient leur raison, développaient leur intelligence et complétaient par l'étude les plus heureux dons du cœur et de l'esprit." En effet, Louise, appelée dans l'intimité familiale "princesse Bobonne", a bénéficié de cours d'histoire dispensés par l'historien français Jules Michelet. Son éducation religieuse lui a été prodiguée par l'abbé Guillon, mais sa mère et sa tante, Madame Adélaïde, auront également eu une influence déterminante sur cet aspect. Quant à ses aptitudes artistiques, celles-ci ont été éveillées par Pierre-Jospeh Redouté, le "Raphaël des fleurs" (futur compatriote belge), mais aussi par Paul Delaroche et Ary Scheffer. La princesse apprécie la lecture et elle pratique l'équitation et la natation. Et dès 1825, la princesse Louise est confiée aux bons soins de la comtesse de Celles, épouse d'un gentilhomme belge.
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Peinture de Winterhalter |
Peu après l’avènement de la Monarchie de Juillet, la Belgique, territoire voisin de la France gagne son indépendance vis-à-vis du royaume des Pays-Bas. Après divers atermoiements, le candidat idéal a été déniché pour monter sur le trône de ce tout jeune État : le prince Léopold de Saxe-Cobourg. Ce prince d'origine allemande, qui a acquis la nationalité britannique par son mariage avec la princesse Charlotte de Galles (décédée après avoir mis au monde un fils mort-né), jouit déjà à l'époque d'une renommée européenne. Ainsi, il n'est pas un étranger pour le tout frais couple royal français. En 1816, lors de son premier mariage, le duc et la duchesse d'Orléans (ainsi que Louise-Marie) étaient présents à la cérémonie, eux qui habitaient alors à Twickenham. Dix ans plus tard, dans un voyage devant le conduire en Allemagne chez sa mère, Léopold fera halte au château de Neuilly pour y rencontrer Louis-Philippe. Et en 1829, le duc d'Orléans et son fils aîné, le duc de Chartres, furent reçus à la Cour de Georges VI. Durant leur voyage, ils prirent la peine d'aller saluer le prince Léopold à Claremont House.
Roi sans descendance et déjà âgé de quarante ans, Léopold Ier sait qu'il doit assurer au plus vite la pérennité de son royaume. Il lui faut encore trouver une épouse qui lui permettra en même temps d'apporter un sérieux appui diplomatique à la Belgique. Des négociations menées par le comte Le Hon, Ministre de Belgique à Paris, seront donc entamées afin de pouvoir épouser la fille aînée du puissant voisin français qui lui était déjà venu à la rescousse quelques jours après son avènement, après une invasion de troupes hollandaises. Ce n'est pas la première fois que Louise-Marie est demandée en mariage par Léopold, cela avait déjà été le cas en 1830, au moment même où le futur souverain était pressenti pour ceindre la couronne grecque. La princesse française avait alors décliné l'offre, appuyée par des parents désireux d'être à l'écoute des choix matrimoniaux de leurs enfants. Par ailleurs, le duc d'Orléans avait d'autres prétendants en tête pour sa fille. Mais après plusieurs mois, la situation a évolué. Certes, le roi Louis-Philippe n'était pas le plus fervent partisan de la candidature de Léopold au trône belge, mais ce choix en écartait au moins d'autres contre lesquels le monarque était hostile. Par ailleurs, la Monarchie de Juillet était vue d'un mauvais œil au sein des cours européennes, un peu comme une famille usurpatrice. Le roi des Français était dès lors conscient qu'il serait beaucoup plus difficile de marier sa fille. Et puis, finalement, Louis-Philippe et Marie-Amélie étaient plutôt emballés de voir leur "princesse Bobonne" accéder au titre de Reine des Belges. La principale intéressée n'a alors que dix-neuf ans et est loin d'être enthousiasmée par ce mariage avec un homme qu'elle connait à peine et de vingt-deux ans son aîné, mais elle consent tout de même à accepter par devoir.
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Aquarelle traité à la gouache de la princesse Louise-Marie, signée "L'.O." et réalisée en février 1830, semblant représenter un paysage italien. Les diverses œuvres de la souveraine ont longtemps été conservées dans un album, propriété de la comtesse de Flandre (sa belle-fille et mère du roi Albert Ier) |
Le 28 mai 1832, le roi Léopold Ier se met en route pour la France, où il va procéder à la demande officielle en mariage. A cet effet, il est accompagné par plusieurs hommes de sa Maison : le comte d'Arschot (Grand-Maréchal de la Cour), le général marquis de Chasteler (Grand Écuyer), le général d'Hane de Steenhuyse (Premier Aide de camp), Jules Van Praet (secrétaire du Cabinet), le colonel Sir Henry Seton (ancien Aide de camp) et du docteur Lebeau (médecin de la Maison royale). Après avoir franchi la frontière belge en par Quiévrain, le roi fait son entrée à Valenciennes et à Cambrai avant d'arriver au château de Compiègne. Plusieurs festivités sont organisées en cette occasion, jusqu'au 2 juin, date de la rentrée du souverain pour Bruxelles.
Le Moniteur, journal officiel de la Belgique, annonce officiellement le mariage le 4 juin 1832. Après avoir réglé plusieurs points, la cérémonie est fixée au 9 août prochain. Ainsi, le roi Léopold Ier, protestant, s'engage à ce que les enfants à naître de l'union seront élevés dans la foi catholique. La dot de la princesse est également réglée : 120.000 francs-or de bijoux et un trousseau en tout genre d'un montant d'un peu plus de 100.000 francs qui sera acheminé dans la capitale belge avec pas moins de 27 fourgons. Parmi cette dot se trouve du mobilier d'apparat, conçu pour Napoléon et qui fut recouvert durant la Restauration par des tapisseries de Beauvais. Ces pièces maîtresses des Collections royales sont toujours aujourd'hui visibles au Palais royal de Bruxelles.
Le 5 août, la famille royale de France fait le voyage du château de Saint-Cloud à celui de Compiègne, en passant par Saint-Denis et Senlis. Le lendemain, s'est au tour du roi Léopold Ier de faire son entrée dans la ville, par un arc de triomphe spécialement érigé, aux côtés du duc d'Orléans, du duc de Nemours (à qui la couronne belge avait été offerte mais que Louis-Philippe avait décliné sous la pression anglaise), du marquis de Marmier et du duc de Choiseul. La délégation belge était composée encore une fois du comte d'Arschot, du général d'Hane de Steenhuyse, du général marquis de Chasteler, de Jules Van Praet, ainsi que du comte Félix de Merode (Ministre d'État et député), du baron de Stockmar (fidèle ami du souverain), du comte Le Hon, de Sylvain Van de Weyer (Ministre de Belgique à Londres), du colonel Sir E. Cust et du colonel Prisse (officier d'ordonnance). Depuis quelques jours, la princesse Louise-Marie ne cesse de pleurer, parait-il, face au prochain jour de son départ, loin de sa famille, au profit d'un époux qui la laisse totalement insensible.
Le 9 août, la reine Marie-Amélie écrit ceci : "
Après le dîner, j'ai assisté à la toilette de ma chère mariée qui a été faite dans ma chambre. Ses cheveux ont été ornés sur le devant de brillants qui lui a donnés sa tante et d'une couronne de fleurs blanches. On lui a posé ensuite un grand voile en point d'Angleterre surmonté d'un bouquet de fleurs d'oranger fixé par une agrafe en diamants. Elle a revêtu une magnifique robe également en point d'Angleterre que lui avait offert Léopold. Le collier, les pendants d'oreille et le médaillon entouré de brillants étaient également des présents de son fiancé". Le soir, le roi Louis-Philippe, en uniforme de Maréchal de France, conduit sa fille jusque dans un salon du château de Compiègne pour la cérémonie civile présidée par le Chancelier de France, le baron Pasquier, président de la Chambre des pairs. Louise-Marie a pour témoins le lieutenant général duc de Choiseul (Aide de camp du Roi), le marquis de Barbé-Marbois (Premier président de la Cour des comptes), le comte de Portalis (Premier président de la Cour de Cassation), le duc de Bassano (pair de France), le maréchal Gérard, et les députés Alphonse Bérenger, André Dupin et Benjamin Delessert. Quant au roi Léopold, qui porte l'uniforme de lieutenant général accompagné de décorations, notamment du ruban de l'Ordre de la Légion d'honneur, ses témoins sont le comte d'Arschot et le comte Félix de Merode. La bénédiction nuptiale s'est ensuite tenue dans la chapelle du château avec pour officiant, l'évêque de Meaux, Monseigneur Gallard. Enfin, la journée s'est terminée, dans une autre salle, avec un rite luthérien du pasteur Goepp.
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Œuvre de Joseph-Désiré Court |
Après trois jours de festivités, le couple a regagné la Belgique, salué par la population le long du trajet, et a effectué sa Joyeuse Entrée dans la capitale le 19 août. Les jeunes époux ont enfin l'occasion de se connaître. Bien qu'on ne puisse pas dire que Léopold soit amoureux de Louise-Marie, il la tient cependant en estime. Voici d'ailleurs ce qu'il avait déclaré dans une lettre à sa nièce, la princesse Victoria de Grande-Bretagne, le 31 mars 1832 (avant le mariage donc) : "
Vous m'avez dit que vous désiriez avoir le portrait de votre nouvelle tante ; je vais vous la peindre moralement et physiquement. Elle est extrêmement gracieuse et aimable. Ses actes sont toujours dirigés par ses principes. Elle est à tout instant prête à et disposée à sacrifier ses aises et ses préférences pour voir les autres heureux. Elle apprécie la bonté, le mérite et la vertu plus que la beauté, la richesse et la distraction. En outre, elle est très instruite et très intelligente ; elle parle et écrit l'anglais, l'allemand et l'italien ; elle s'exprime très bien en anglais. Bref, mon cher amour, vous voyez que je puis la donner en exemple à toutes les jeunes filles, princesses ou non." De son côté, la première Reine des Belges évoque dans les lettres qu'elle envoie à sa mère un total renversement de situation. Au final, elle a très vite été séduite par celui qu'elle surnomme "Leopich" et envers qui elle semble davantage éprise que lui ne l'est.
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Joyeuse Entrée à Bruxelles |
Cette impression d'une jeune femme pieuse, discrète, pleine d'esprit et cultivée est également partagée par ceux qui fréquentent la Cour belge comme cela est le cas pour le comte Henri de Merode (dont l'épouse sera la dame d'honneur de la souveraine) qui consigne des ses notes : "
Quelques jours après l'arrivée de la Reine en Belgique, je dinais à
Laeken. La jeune Reine était fort timide dans les commencements ;
cependant, il n'était pas difficile de remarquer dans sa conversation
combien son éducation avait été soignée et combien elle était instruite,
surtout dans l'histoire des beaux-arts. Mais tout ceci n'était rien en
comparaison des belles qualités de son âme par lesquelles elle obtint
bientôt le respect et l'attachement général. Au physique elle réunissait
le double caractère de fille de Saint-Louis et de Marie-Thérèse. Son
teint blanc et rose, sa chevelure d'un blond pâle était celle de la
Maison d'Autriche et de sa mère, fille d'Archiduchesse. Ses traits
étaient ceux des Bourbons."
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Peinte par Joseph-Désiré Court |
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Peinte en 1840 par Eugène Vervoeckhoven et Gustaaf Wappers |
Le couple s'est installée au château de Laeken, où ils vivent sans grand faste. Louise-Marie écrit à ce propos : "
Notre vie à Laeken est très douce, très solitaire, très tranquille. Le roi, son chien et moi habitons seuls le Palais". Depuis toujours la princesse d'Orléans est marquée par une grande timidité en public, ce que lui reprocheront dans un premier temps ses nouveaux sujets. Mais, elle se défend auprès de son père en février 1833 : "
Je ne dénigre ni les Belges, ni la Belgique ; je ne me moque jamais
d'eux, publiquement du moins. S'ils n'étaient pas si susceptibles et si
vaniteux je les aimerais vraiment beaucoup, car ce sont de très bonnes
gens. J'aurai beau leur dire à la journée que Bruxelles est une ville
cent fois plus brillante que Paris, que j'aime mieux la Belgique que la
France, que je n'ai aucun désir de revoir mes parents et mon pays, que
toutes les femmes ici sont jolies, que les dents sont superbes, que les
discussions des chambres sont intéressantes et plus sensées - ce n'est
pas beaucoup dire au reste - que les chambres françaises etc. etc., ils
ne me croiraient pas et il me sauraient même plus mauvais gré de mon
manque de franchise que de mon silence".
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Tableau de Sir George Hayter de 1837, vendu aux enchères en 2002. |
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Tableau de Claude Dubufe vers 1836, dont une république se trouve dans le Grand Salon Blanc du Palais royal de Bruxelles |
Tous les matins, la reine se rend à la messe. Durant la journée, il lui arrive de recopier les notes politiques de son époux, de s'adonner au plaisir de la lecture, du dessin ou encore de jouer de la harpe. Elle joue également son rôle de maîtresse de maison quand il s'agit de recevoir divers invités, qu'ils soient de marque ou plus privés. Elle accorde assez peu d'importance à ses tenues et aux bijoux, malgré ses quelques commandes auprès des joailliers parisiens que sont Mellerio, Bapst, Fossin ou encore Morel. Cette "négligence" lui est d'ailleurs parfois rappelée par son époux, connu pour être coquet, et qui n'hésite pas à changer quatre ou cinq fois de tenues par jour. Elle a introduit à la Cour de Belgique la mode des grands bals masqués, où elle y apparaît tantôt parée comme Jeanne d'Aragon, Marguerite d'Autriche, Jeanne de Constantinople ou encore comme Marie de Bourgogne. Ces bals deviendront d'ailleurs très vite les plus brillants d'Europe.
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La reine Louise-Marie en Marie de Bourgogne (© CEDIBEDA) |
Très vite Louise-Marie accomplit son devoir primordial : fonder une dynastie. Le 24 juillet 1833, elle donne naissance à un fils, prénommé
Louis-Philippe, et surnommé "Babochon". Malheureusement, le prince héritier n'atteindra pas l'âge d'un an et sa disparition affectera profondément le couple. Le 9 avril 1835, un autre garçon voit le jour, Léopold (titré duc de Brabant), le futur roi Léopold II. Il sera suivi par Philippe (titré comte de Flandre) le 24 mars 1837 et par Charlotte le 7 juin 1840. La reine s'est investie plus que d'usage dans l'éducation de ses enfants : le roi Léopold Ier impose ses volontés et c'est elle qui supervise et gère le reste. Elle est attentive à leurs résultats et les félicite en leur offrant des livres de sa bibliothèque. Elle joue d'ailleurs parfois le rôle de médiateur entre son époux et ses enfants, surtout avec "Leo", doté du physique des Bourbon, avec qui les relations sont parfois difficiles. La princesse Charlotte, surnommée "Trésor", qui possède les traits des Cobourg, apparaît comme la préférée du couple. Quant au prince Philippe, "Lipchen" ou "Bijou", il arrive également à obtenir les bonnes grâces de ses parents. Jusqu'à la fin de sa vie, la reine entretiendra une correspondance très soutenue avec ses enfants.
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Louise-Marie avec "Babochon", selon une peinture de Decaisne (Musée de Versailles) |
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Avec son fils Léopold, peinte par Winterhalter |
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Dessin de Georges Jansoone |
Les relations qu'entretiennent Léopold Ier et sa nièce la reine Victoria sont des plus chaleureuses. Et il en sera de même entre les deux femmes. Ainsi c'est au Palais de Buckingham que sont fêtés les vingt-trois ans de Louise-Marie. En 1843, les deux couples ont effectué un voyage en Allemagne qui a connu un certain retentissement en Europe. Le 11 août, le couple britannique est arrivé à Anvers à bord du yacht
Victoria and Albert. Les souverains belges les y ont accueilli et les ont accompagné jusqu'à Verviers. Ils se sont retrouvés le 13 août où ils ont été reçus au château de Brühl par le roi Frédéric-Guillaume IV et la reine Elisabeth de Prusse. Le lendemain, une autre cérémonie a été donnée en l'honneur des deux couples au château de Stolzenfels en présence de nombreux invités de marque : les princes Guillaume, Frédéric et Adalbert de Prusse, l'archiduc Frédéric d'Autriche, le duc de Nassau, le duc d'Anhalt, la duchesse de Dessau, le prince et la princesse de Hesse et du Rhin, le prince de Metternich, etc. Ils ont terminé ensuite leur voyage en se rendant à Cobourg, au château d'Ehrenbourg, reçus par le duc régnant Ernest II (le neveu du roi Léopold Ier et le frère du prince consort Albert). Dans ce cadre, une prestigieuse soirée de gala a été donnée au théâtre de Cobourg où avaient pris place dans la loge ducale le roi Léopold, la reine Louise-Marie, la reine Victoria, le prince consort Albert, le duc Ernest II, la grande-duchesse Anna Feodorovna de Russie (sœur du roi), les ducs Alexandre et Ernest de Wurtemberg (beau-frère et neveu du roi), le comte de Mensdorff-Pouilly (beau-frère du roi) et le prince de Linange (neveu du roi et demi-frère de Victoria). Quelques jours plus tard, au mois de septembre, Victoria et Albert étaient une nouvellement fois accueillis à Anvers, mais cette fois pour une visite en Belgique. En 1847, Léopold Ier et Louise-Marie se sont rendus à Buckingham Palace du mois de juin au mois de juillet. A l'instar de sa correspondance avec ses enfants et les membres de la famille Orléans, les relations épistolières entre les deux souveraines seront abondantes.
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Dans la loge du théâtre ducal de Cobourg |
En 1848, un vent de révolution secoue l'Europe. La Belgique, "
au milieu du tremblement de terre universel", comme l'écrit la reine à son père, en sera épargné. La monarchie française, elle, n'y a pas résisté. Sa famille était une fois de plus contrainte à l'exil. Jouissant encore d'une manière viagère de Claremont House, Léopold a mis à disposition de ses beaux-parents cette résidence. A diverses reprises la souveraine a effectué l'aller-retour entre la Belgique et l'Angleterre. La première fois qu'elle réalise la traversée de la Manche à ce dessein, c'était en octobre 1848 et elle fut également reçue par la reine Victoria. Elle a réitéré le voyage en février 1849, en présence de toute la famille des Orléans (sauf les ducs de Montpensier), ainsi qu'en juillet de la même année. Elle y est retournée encore en avril puis en juin 1850. Elle a fait ses derniers adieux à son père le 18 juin, date à laquelle elle est rappelée à Bruxelles par son époux. Le roi Louis-Philippe Ier est décédé le 26 août et elle n'a pas assisté à ses funérailles. Un service religieux a tout de même été organisé en la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule, en présence de la famille royale belge.
La disparition de son père affecte énormément la reine Louise-Marie, tant sur le plan émotionnel que physique. Elle est de santé fragile, surtout depuis sa dernière grossesse qui a été particulièrement pénible. A partir de 1840 donc, elle a commencé à être sujette à des évanouissements et à souffrir des bronches. Son état va alors peu à peu s'aggraver, elle maigrit, et les séjours à la campagne, au
château de Ciergnon, n'y font rien. Le 11 mai 1848, elle est victime d'un accident ferroviaire, ce qui n'améliore pas son été de santé. De plus, elle a eu jusqu'à maintenant à affronter divers drames : la perte de "Babochon" en 1833, le décès prématuré de sa sœur Marie (duchesse de Wurtemberg par mariage) en 1839 et le décès de son frère, le duc d'Orléans, dans un accident de voiture en 1842. En 1848, elle est également mise au courant des infidélités de son époux avec une certaine Madame Meyer, née Arcadie Claret, avec qui Léopold entretien une relation depuis 1844. Cela l'attriste tout naturellement mais elle pardonnera son mari. Dans une lettre datée du 20 février 1849 destinée au roi, elle écrivait d'ailleurs ceci : "
Être ton amie, ta seule amie, que puis-je désirer d'autre dans ce
monde ? Tout ce que j'ai eu de bonheur, je te le dois, tout ce qui a
manqué à mon bonheur vient de moi, de moi seule et je ne m'en prends
jamais qu'à moi de ce qui m'a fait de la peine [...] Cette impossibilité
de faire quelque chose pour toi a été l'épine de mon bonheur, mais le
sentiment de tout ce qui me manque, de tout ce qui m'a manqué et me
manquera toujours hélas, ne fait qu'ajouter à mon admiration et à ma
reconnaissance pour toi".
Un changement d'air est dès lors préconisé par ses médecins. La reine est donc installée dans une villa royale à Ostende, sans grand confort, située au 57 de la Langestraat (aujourd'hui, il s'agit du numéro 69). Trop faible, il sera nécessaire de hisser la souveraine au moyen d'un panier en osier jusqu'à la chambre, au deuxième étage. Son bilan de santé ne s'améliore guère, et le 8 octobre, sa mère Marie-Amélie arrive accompagnée du prince de Joinville, du duc d'Aumale, de la princesse Clémentine, du docteur Guéneau de Massy et de son aumônier, l'abbé Guelle. Deux jours plus tard, les derniers sacrements lui sont administrés, elle tient à bénir ses enfants et à s'entretenir avec chaque membre de sa famille. Louise-Marie est décédée le 11 octobre 1850 à huit heures dix du matin,
après une agonie débutée quatre heures auparavant, entourée des siens et
sa main dans celle de son époux. Lorsque le décès de la reine fut connu par la population, plusieurs personnes ont alors brisé les vitres d'un hôtel de la rue Royale, qui n'était autre que le lieu d'habitation de la maîtresse du Roi, connue des Bruxellois puisqu'elle n'hésitait pas à parader en calèche dans la ville en compagnie du bâtard royal, né en 1845...
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Chambre dans laquelle la reine est décédée |
Le 14 octobre, un convoi
ferroviaire funèbre a quitté Ostende pour rejoindre la capitale, trajet
le long duquel la Belgique endeuillée s'est pressée. Comme elle l'avait
exprimé auprès de son époux, c'est l'église villageoise de Laeken qui a
été choisi comme sépulture. Durant deux jours, sa dépouille y a
d'ailleurs été exposée avant d'y être inhumée le 17 octobre dans un caveau
provisoire sous l'autel de Sainte-Barbe. En effet, le roi Léopold Ier projette d'y installer d'une église dotée d'une crypte royale digne ce nom, érigée grâce notamment à une souscription nationale, et qui verra le jour en 1854. Un service solennel a été célébré en la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule, le 24 octobre, par Monseigneur Sterckx, archevêque de Malines-Bruxelles. Un peu plus d'un mois plus tard, le souverain a reçu des délégation du Sénat et de la Chambre des représentants venues lui présenter ses condoléances, respectivement les 25 et 26 novembre.
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(© CIDEP asbl) |
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(© CIDEP asbl) |
Bien qu'il n'en était pas épris, le roi Léopold Ier a été véritablement ému par la disparition de sa seconde épouse. A l'archiduc Jean d'Autriche il avait confié : "
J'ai perdu une amie infiniment dévouée, confidente de mes pensées et de mes sentiments, qui n'avait de préoccupation que pour moi et ne vivait que pour moi". Il n'a pas mis un terme à sa relation avec Arcadie puisqu'elle a mis au monde un autre fils illégitime du souverain en 1852. Mais le roi est souvent submergé par la mélancolie, il n'a plus dès ce moment le goût prononcé qu'il avait pour les affaires de l’État et il se retire de plus en plus de la vie publique. Il est décédé quinze ans après Louise-Marie, en 1865.
A son décès, les Belges qui l'avaient jugé beaucoup trop réservée à son
arrivée, ont été touchés de la disparation de leur souveraine. Au fil des
années, elle était apparue comme l'une des âmes charitables du royaume.
Cette "Mère des pauvres", comme elle est parfois à l'époque surnommée,
n'hésite pas à faire des dons au profit des plus déshérités et des
institutions philanthropiques, religieuses ou sociales. Sa dame d'honneur, la comtesse Henri de Merode, l'entretenait tous les matins d'ailleurs des différentes requêtes de
détresse arrivées au Palais. Elle avait également pris sous sa royale
protection des institutions liées à l'enfance et l'éducation comme des
associations maternelles, des crèches scolaires, des écoles gardiennes,
des orphelinats, sans oublier des hôpitaux. Sensible aux difficultés que
connaissait le secteur de la dentelle de Belgique, elle l'a soutenu par
ses nombreuses commandes et ses visites dans des écoles dentellières. Elle a également, plus d'une fois, intercédé auprès de son époux pour faire aboutir l'une ou l'autre demande de grâce. Le 10 février 1835, elle a d'ailleurs été faite Dame de l'Ordre royal de la reine Marie-Louise, fondé par l'épouse du roi Charles IV d'Espagne en 1792, visant à récompenser les personnalités féminines se distinguant par leurs vertus.
La reine Louise-Marie, première souveraine de Belgique, figure souvent en simple notice biographique dans les ouvrages généraux écrits sur la famille royale belge. Tout comme pour Marie-Henriette, on ne lui prête pas grand chose, si ce n'est d'avoir fonder la dynastie belge. L'écrivain Carlo Bronne a quant à lui indiqué qu'aucune reine n'avait été autant impliquée aux décisions politiques, jouant presque le rôle de chef de Cabinet du Ministre des Affaires étrangères. Ce dernier étant entendu qu'il s'agit du roi Léopold Ier. Sans aller aussi loin, on peut indiquer qu'en effet, Louise-Marie a fréquemment servi de relais entre Bruxelles et Paris, plutôt que de choisir le réseau habituel de la diplomatie. Elle a également été une intermédiaire entre son père et la reine Victoria. Bref, contrairement à Marie-Henriette, elle a été une bonne collaboratrice du souverain. Elle était par ailleurs vivement intéressée par les problèmes politiques et sociaux. Et elle a aidé son époux à rallier autour de la Maison royale certaines familles aristocratiques orangistes, c'est-à-dire qui étaient encore attachées au roi des Pays-Bas. De par sa personne, elle a apporté aussi une position diplomatique appréciable pour la Belgique, comme l'avait rappelée le prêtre Deschamps (futur primat de Belgique) dans l'oraison funèbre de la souveraine le 24 octobre 1850 : "
L'union bénie le 9 août 1832 dans la chapelle de Compiègne révéla
aux nations étonnées deux faits de premier ordre : l'alliance de la
France et de l'Angleterre (ndlr : puisque la Grande-Bretgane avait été désignée comme garante de la neutralité belge
),
formée à cette occasion même, et qui fut alors la sauvegarde de la paix
du monde ; la reconnaissance de la neutralité belge, qui fixa d'une
manière rationnelle et durable les limites, si longtemps incertaines des
nations voisines".
Comme indiqué ci-dessus, sa dépouille a été réinstallée dans la nouvelle église Notre-Dame de Laeken en 1854, au sein d'une crypte royale où le tombeau de Léopold Ier et de Louise-Marie occupe une position centrale. En 1859, la ville Ostende a honoré sa mémoire en plaçant un mausolée de marbre blanc, signé Charles-Auguste Fraikin, dans une chapelle de l'église des Saints-Pierre-et-Paul. Quelques années plus tard, Philippeville (province de Namur) a érigé une statue en bronze, de l'artiste Joseph Jacquet, sur la Place d'Armes (déplacée depuis sur le site de l'ancienne moyenne école). Ces hommages architecturaux sont les rares à avoir vu le jour pour saluer la première Reine des Belges.
Pour en savoir sur la reine Louise-Marie :
- Mia Kerckvoorde,
Louise-Marie, reine oubliée, 1812-1850, éditions Racine, 2001
- Madeleine Lassère,
Louise, reine des Belges : 1812-1850, éditions Perrin, 2006
Demain sur Royalement Blog : un article retraçant la présence de la reine Louise-Marie dans la philatélie