La princesse Adelheid-Marie d'Anhalt-Dessau est née le 25 décembre 1833 à Dessau. Elle est la fille aînée du prince Friedrich-August d'Anhalt-Dessau (1799-1864), petit-fils de Léopold III (1740-1817), le dernier duc d'Anhalt-Dessau, ainsi que du landgrave Friedrich V de Hesse-Homburg (1748-1820). Sa mère est la landgravine Marie-Luise de Hesse-Kassel (1814-1895) qui descend du côté maternel des souverains danois.
Sa naissance est suivie, respectivement en 1837 et en 1839, par Bathildis et Hilda. La première s'est mariée en 1862 avec le prince Wilhelm de Schaumburg-Lippe. La seconde est décédée en 1926 sans avoir contracté d'union. Adélaïde-Marie a grandi à la Cour de Dessau et au château de Rumpenhaim à Offenbach-sur-le-Main. C'est dans cette dernière demeure qu'elle y rencontre pour la première fois, à l'âge de seize ans, le duc Adolphe de Nassau, qui a alors le double de son âge. Il est veuf depuis 1845 de la grande-duchesse Elisabeth de Russie, décédée, alors qu'elle était atteinte de la tuberculose, un jour après avoir donné naissance à une fille qui a survécu seulement quelques heures. Le duc de Nassau a été très marqué par ce drame mais il n'avait d'autre choix que de fonder un nouveau foyer afin d'assurer sa descendance.
Peinte par Karl Stauffer-Bern |
Le mariage entre Adélaïde-Marie et Adolphe est célébré deux ans plus tard, à Dessau, le 21 avril 1851. Leur voyage de noces les a emmené notamment au château d'Oranienstein à Diez an der Lahn et à Königstein im Taunus, deux lieux qui ont marqué la toute nouvelle duchesse de Nassau. En effet, tellement séduite par Oranienstein, la résidence fut choisie comme résidence d'été. Le château, rénové et meublé selon les convenances du couple, les accueillera pour plusieurs semaines chaque été jusqu'en 1861, année où, suite à un différend opposant le Parlement et le duc de Nassau, Oranienstein est déclaré propriété de l'Etat et déchu de son statut de résidence pour la famille ducale. Concernant Königstein, Adélaïde-Marie et Adolphe sont descendus à l'ancien Hôtel Amsterdam qui se situe dans la rue principale. Lors de leur séjour, emballés par ce village pittoresque des montages, ils y ont visité un château que le duc Adolphe offrira en 1858 à son épouse. Ils y ont logé pour la première fois en septembre de la même année.
Après leur voyage de noces, ils se sont installés à Wiesbaden, où il se partagent entre le château de Biebrich et ce qui est appelé le « Stadtschloss ». Le couple a eu cinq enfants : Wilhelm (1852-1912) - futur grand-duc Guillaume IV -, Friedrich (1854-1855), Marie (1857), Franz (1859-1875) et Hilda (1864-1952). Seuls Guillaume et Hilda sont donc arrivés à l'âge adulte. La princesse Hilda s'est unie en 1885 avec un parti de choix, le grand-duc héritier Frédéric de Bade, qui montera sur le trône en 1907. L'héritier, lui, a été autorisé à épouser en 1893 la princesse Marie-Anne de Bragance, après plusieurs années de tergiversations en vertu de la confession catholique de l'infante de Portugal.
Avec le grand-duc Adolphe à Hohenburg |
En 1866, le duché de Nassau est annexé par la Prusse suite à la décision d'Adolphe de s'unir à l'Autriche plutôt qu'à la patrie des Hohenzollern dans une guerre qui opposait ces deux nations. Un mauvais choix puisque l'Autriche est sortie vaincue... Même si le duc déchu obtiendra par la suite des compensations financières et un accord sur la propriété de plusieurs de ses résidences, Adolphe se considérant comme un souverain en exil, le couple est alors parti vivre à Vienne et Francfort. Cependant, ils feront une exception pour Königstein. Il a d'ailleurs été décidé de le rénover et procéder à des extensions. Mais c'est surtout Adélaïde-Marie qui aime y passer ses étés, alors que son époux a un faible pour la propriété qu'il a achetée en Bavière, le château de Hohenburg, doté des terres qui lui permettent d'assouvir sa passion pour la chasse.
Avec sa petite-fille Marie-Adélaïde |
Avec sa fille Hilda, grande-duchesse de Bade (Archiv Kronke Historia) |
En son château, surnommé par la suite le « Luxemburgisches Schloss » après que son époux soit devenu grand-duc de Luxembourg, Adélaïde-Marie aime y recevoir des personnes de sa famille, mais également des membres d'autres familles royales de passage dans la région. Elle s'adonne également à sa passion pour la peinture. Elle a produit de nombreuses aquarelles représentant des paysages ou des natures mortes et a des contacts avec certains artistes. Entre 1887 et 1888, elle participe à la décoration de l'église évangélique, construite sur un terrain donné par celle qui apparaît désormais comme la bienfaitrice de Königstein. Dans le cadre de ce travail, elle a notamment peint des fleurs sur la chaire, sans oublier qu'elle a également fait don des lustres et des cloches de l'édifice.
Après le décès du duc Adolphe, le 17 novembre 1905 au château de Hohenburg, Königstein devient le refuge de la grande-duchesse douairière Adélaïde-Marie. Le 6 septembre 1908, la ville célèbre d'ailleurs les cinquante ans de sa présence au travers de diverses manifestations. En 1910, elle assiste avec sa famille à l'inauguration d'une statue en mémoire de son époux. Il est souvent question d'elle dans la presse locale, surtout quand elle accueille des personnages illustres, et c'est tout bon pour la renommée des lieux. Certains commerçant sont également enchantés de pouvoir se targuer d'être « fournisseurs officiels ».
Après plusieurs années de maladie, en 1912, son fils, le grand-duc Guillaume IV, décède et - après une courte régence assumée par la grande-duchesse Marie-Anne - sa petite-fille Marie-Adélaïde monte sur le trône à l'âge de vingt et un ans. Durant la période difficile marquée par l'état de santé de leur père, les six petites princesses de Luxembourg peuvent compter sur leur grand-mère. Elle s'est ainsi chargée personnellement de leur éducation au niveau artistique en leur donnant des cours de dessin. Adélaïde-Marie reçoit aussi souvent la visite de sa fille Hilda, grande-duchesse de Bade, qui a ses appartements à Königstein, d'ailleurs c'est elle qui en héritera après le décès de sa mère. Elle n'en oublie pas pour autant les nécessiteux et n'hésite donc pas à accorder son patronage à diverses œuvres de charité. En 1915, ses productions artistiques furent exposées, les bénéfices étant réservés aux plus démunis.
Cortège funèbre |
La grande-duchesse douairière Adélaïde-Marie s'est éteinte à l'âge de quatre-vingt trois ans en son château le 24 novembre 1916. Un service funèbre a eu lieu dans l'église du village, en pleine guerre mondiale, en présence de sa famille, d'un fils de l'empereur Guillaume II, des notables des alentours et de la noblesse régionale. Les habitants de Königstein ont pleuré avec sincérité sa disparition et son souvenir reste encore aujourd'hui vivace. Après les funérailles, son corps a rejoint par chemin de fer Weilburg an der Lahn pour être inhumée aux côtés de son époux dans la crypte des Nassau.
Voir l'article sur le diadème au saphir coussin d'Adélaïde-Marie qui a intégré les collections grand-ducale : lien
Source principale : Beate Großmann-Hofmann (Stadarchiv Königstein), « Eine große Wohltäterin Königsteins », Königsteiner Burgfest, 2008, pp. 69-73
Source principale : Beate Großmann-Hofmann (Stadarchiv Königstein), « Eine große Wohltäterin Königsteins », Königsteiner Burgfest, 2008, pp. 69-73
Bravo pour cet article intéressant sur la première grande-duchesse de Luxembourg (si on ne compte pas les épouses des rois hollandais), qui complète tes précédents articles sur le grand-duc Adolphe, le grand-duc Guillaume IV et la grande-duchesse Marie-Anne.
RépondreSupprimerTu ne parles pas de ses rapports avec le grand-duché et les Luxembourgeois ; a-t-elle apprécié sa nouvelle patrie? Est-ce que le château de Koningstein appartient toujours à la famille princière de Bade (qui a connu ces dernières années de gros problèmes financiers) et est-ce que le couple grand-ducal actuel s'y est déjà rendu? Quel est le lien entre le grand-duc héritier Frédéric de Bade et la princesse Joséphine de Bade (grand-mère d'Albert Ier et donc ancêtre du grand-duc Henri)?
Au sein de la dynastie luxembourgeoise, on a vraiment une séparation entre les 3 premiers souverains qui restent quand même très germanophiles (Adolphe, Guillaume IV et Marie-Adélaïde), et les 3 souverains suivent qui s'identifient totalement au grand-duché (Charlotte, Jean et Henri). A noter aussi que le grand-duc actuel Henri est lié à beaucoup de dynasties allemandes : les Nassau bien sûr, mais aussi les Saxe-Cobourg-Gotha (via Léopold Ier), les Bade (via Joséphine de Bade), les Hohenzollern (via la comtesse de Flandre) et les Bavière (via la reine Elisabeth).
1° Le premier couple grand-ducal était assez peu au Luxembourg. Bien qu'il ait fait son possible pour faire reconnaître ses droits, je crois qu'à 74 ans, c'était surtout pour Adolphe l'occasion de se racheter : rendre à sa lignée un trône qu'il avait perdu. Ainsi, une fois sur le trône il s'est très peu soucié des affaires luxembourgeoises. On dit qu'Adélaïde-Marie était assez populaire au grand-duché, est-ce dû à sa propre personne ou tout simplement parce que le grand-duché avait enfin SON couple régnant (et pas un souverain des Pays-Bas qui gérait de loin ce territoire)? Apparemment, plutôt de santé fragile, elle ne résidait au Luxembourg qu'à la belle saison, mais c'était vraiment Königstein qui avait ses faveurs, et presqu'exclusivement une fois veuve.
Supprimer2° Un proche article donnera davantage de détails sur le château et proposera des vues montrant un intérieur très riche. Hilda, veuve à partir de 1928, n'a pas eu d'enfants. Elle décida de partager ses bijoux entre ses nièces luxembourgeoises (Charlotte et Antonia héritèrent d'un diadème). Je crois que Charlotte a hérité du château, en tout cas les meubles ont été placés à Berg. Le château a été assez vite vendu. En 1950, Charlotte avait d'ailleurs décidé de se séparer du château de Hohenburg.
2° Le père du grand-duc Frédéric II, le grand-duc Frédéric Ier était un petit-cousin de la princesse Joséphine de Bade. Ils ont tout deux comme arrière-grand-père le grand-duc Karl Friedrich (1728-1811). Le grand-duc Henri descend donc au moins deux fois de cet ancêtre du XVIIIe siècle. D'ailleurs, il existe, dans les appartements privés du Palais grand-ducal, des appartements dis "de Bade".
3° La germanophilie, parfois très prononcée, s'est surtout exprimée avec la grande-duchesse Marie-Anne et la grande-duchesse Marie-Adélaïde. Certaines notes de diplomates français dénoncent même l'influence néfaste de la mère sur la fille. Marie-Anne qui aurait par ailleurs, après l'abdication de 1919, "arrangé" les mariages de certaines de ces filles avec des princes allemands, déplaisant fortement aux autorités françaises, ainsi qu'à la grande-duchesse Charlotte, qui a dit ne pas avoir été consultée et qui n'était pas présente aux mariages.
Bien que je sache peu de choses de leurs visions politiques, je ne sais pas si Adolphe, Adélaïde-Marie et Guillaume IV étaient si pro-allemands. N'oublions pas que ce sont les Hohenzollern qui leur ont enlevé leur duché en 1866 et qu'il a fallu attendre 1888 pour que les relations entre les deux familles se réchauffent. Bien entendu, ils avaient un entourage composé surtout d'Allemands. Par ailleurs, Guillaume IV n'a pas vraiment eu l'occasion de montrer ses preuves en tant que souverain et peut-être aurait-il eu une attitude différente de sa fille aînée durant la guerre, s'il n'était pas sous l'influence de son épouse ? Mais c'est sûr que l'on voit ensuite un véritable changement avec la grande-duchesse Charlotte.
Pourquoi Marie Anne de Bragance était elle si pro allemande et ce apres la guerre alors que sa soeur était la mere de la reine des Belges ?
SupprimerMarie.françois :
SupprimerMalheureusement, il existe assez peu de sources concernant la famille grand-ducale, de surcroit pour les membres anciens. Je vous répondrais donc en indiquant que, bien que née de Bragance, sa mère était princesse de Löwenstein-Wertheim-Rosenberg. Elle est née et a été élevée en Allemagne, où son père, ancien souverain s'y était réfugié. Je ne sais pas quelles étaient ses relations exactes avec les Hohenzollern. Avait-elle de l'emprise sur son mari, ou est-ce lui qui lui a transmis cette germanophilie (qui semble moins animé Adolphe et Adélaïde-Marie qui ont perdu leur trône à cause des Hohenzollern) qui a perdu leur fille Marie-Adélaïde? Marie-Anne et sa fille Marie-Adélaïde avaient un entourage presqu'exclusivement allemand. Des pressions politiques ont d'ailleurs fait en sorte qu'elles quittent le grand-duché après l'avènement de Charlotte.
Bonjour Valentin,
RépondreSupprimerExcellent portrait de cette grande-duchesse, un peu oubliée…